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doté l’humanité d’un produit véritablement nutritif. Sans doute, à ne considérer que l’importance de la fabrication, l’extraction carnis de Liebig serait un produit de premier ordre ; mais la vogue qu’il a obtenue tient à diverses causes étrangères aux qualités intrinsèques qu’il peut posséder : ces causes sont le besoin d’un produit remplissant plus ou moins bien l’objet qu’il prétend remplir et surtout l’importance des capitaux engagés dans l’entreprise, qui l’ont sauvé du sort commun à toutes les usines du même genre établies dans la Plata. La société fondée en 1863 pour exploiter le procédé du baron Liebig s’est établie sur les bords du fleuve Uruguay, dans la république de ce nom, à Fray-Bentos, sur un terrain de neuf lieues carrées qu’elle acheta. Elle disposait d’un capital de 500,000 livres sterling fourni par des actionnaires anglais : les gouvernemens européens n’ont cessé de lui faire des demandes considérables, et son succès, complet dès le premier jour, ne s’est pas démenti. Aujourd’hui les états de la société accusent un bénéfice annuel de 150,000 livres sterling (3,750,000 francs). L’établissement, usine ou saladero, car il tient des deux genres, — ne diffère pas sensiblement des saladeros que nous avons décrits, et se compose d’une suite de hangars sans style, ni luxe. Les animaux abattus sont exclusivement des bœufs, et le système d’abatage est le même que celui qu’on emploie d’ordinaire dans les saladeros. Toutes les parties de l’animal, cuir, basses viandes, os et graisses, sont utilisées comme dans les saladeros, les parties choisies de la viande subissent seules une élaboration spéciale. Détachée de tous les os et de la graisse qu’elle contient, la chair est introduite dans une immense machine à hacher et réduite à l’état de chair à saucisse. Sous cette ferme, elle est placée dans des marmites dont les dimensions varient, et qui doivent avoir 1m,10 de haut sur 1m,30 de large et 1m,50 de long pour 3,000 livres de viande ; elles sont munies d’un double fond séparé du premier par une chambre de 50 centimètres de haut et destinée à recevoir la vapeur. On jette dans la marmite une quantité d’eau égale à trois ou quatre fois le poids de la viande ; on chauffe jusqu’à l’ébullition, mais on a soin de ne pas la laisser se produire. Lorsque la cuisson a ainsi duré deux heures et demie et que la viande commence à prendre un aspect blanchâtre, on ouvre une soupape carrée munie d’un filtre en toile métallique, destiné à arrêter les matières solides en laissant écouler le liquide ; le bouillon traverse un tamis et passe dans un serpentin de distillateur pour aller s’écouler en deux ou trois heures dans une autre chaudière plus petite que la première, mais garnie comme elle d’un double fond : là elle est encore soumise à une dernière cuisson de trois heures environ ; il reste à laisser congeler et mettre en pots. La