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New-York à San-Francisco, par un ruban de fer de plus de 5,000 kilomètres. La confiance dont ils ont fait preuve au début a porté ses fruits. Ils avaient déjà ouvert la plus grande ligne de canaux qui existe, et jeté partout des routes de terre, même à travers leur grand désert et les domaines des Peaux-Rouges ; mais on peut dire que sans les routes à vapeur leur vaste continent ne se serait jamais peuplé, ni fertilisé, ni colonisé aussi vite.


I. — L’ETABLISSEMEBT DE LA VOIE.

Pour aller d’un pas aussi rapide, les Américains ont du procéder quelquefois avec l’allure un peu désordonnée qui les distingue. Nulle part, sauf en des cas très particuliers, le gouvernement fédéral ni les états n’interviennent dans le tracé et la construction des chemins de fer, et ne garantissent aux compagnies aucune subvention en argent. En retour les compagnies, pourvu qu’elles obéissent à quelques règles préliminaires édictées par les législatures provinciales ou par le congrès, se forment librement. Tout ce qu’on leur demande, c’est de comprendre un certain nombre de noms recommandables parmi leurs fondateurs et leurs administrateurs, de porter à leur actif un capital social minimum de 10,000 dollars par mille de voie à ouvrir, d’en souscrire immédiatement le dixième, d’en verser le centième. Avant la formation de cette compagnie, un railroad man, un de ces monteurs d’affaires comme on en rencontre tant dans les états de l’ouest, a traversé le pays et marqué à grands traits sur la carte et un peu par instinct la ligne à construire. Alors les communes sont apparues, réclamant chacune à l’envi la traversée de la voie sur leur territoire, et offrant en toute gratuité une partie des terrains qui leur appartiennent. On rectifie suivant les avantages qu’on y trouve le premier tracé fait à la hâte, à vue d’œil, et alors descendent sur le terrain les géomètres, les ingénieurs, pour piqueter l’axe définitif de la route, prendre les nivellemaens en long et en travers, faire le calcul des déblais et des remblais, établir le devis des ponts, des viaducs, des estacades, des tranchées, fixer enfin et dessiner les principales stations.

Tous les travaux sont d’ordinaire exécutés très promptement, sauf à y revenir ensuite, par des entrepreneurs qui traitent à forfait. Les estacades, qui évitent des remblais coûteux, sont en bois et s’élèvent quelquefois à de vertigineuses hauteurs. Le bois est volontiers employé aussi dans la construction des ponts, et l’on sait quelle forme hardie, élégante, légère, les Américains ont su donner à ce genre de construction, dont le type a même pris leur nom. Plus tard le pont de bois sera remplacé par un pont de pierre, ou mieux par un pont métallique à poutrelles et à treillis, à