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arches ou suspendu ; pour le moment, le bois est suffisant. Sur la voie, le ballast ou cailloutis, qu’on étend si régulièrement et si ponctuellement chez nous, est presque inconnu ; pour peu que les carrières soient loin, on n’en met pas du tout. Les fossés sur les accotemens, pour l’assèchement des eaux, laissent beaucoup à désirer. Souvent il n’y en a pas, et la pluie s’écoule comme elle peut. Encore moins protège-t-on par des empierremens les flancs inclinés des tranchées, qui s’effritent et s’éboulent. On respecte les végétations parasites, les clôtures sont presque partout absentes, à moins que les propriétaires riverains ne les établissent eux-mêmes et à leurs frais : on n’a pas le temps de satisfaire à tout et principalement aux choses qu’on regarde comme de luxe. On va au plus pressé, à l’indispensable ; on pense qu’on aura le temps plus tard de faire mieux et plus solidement, et l’on paie cher quelquefois la précipitation fiévreuse des premiers jours.

La plupart des routes ne sont qu’à une voie, et la distance entre les rails s’est rétrécie de plus en plus, passant de 2 mètres à 1m,30 et 1m,40, et même 1 mètre et au-dessous. La voie étroite, narrow gaudge, est maintenant partout en faveur : c’est beaucoup plus économique, si la stabilité du convoi est moins grande. Les routes construites sur le premier système, notamment l’Erie, l’Atlantic and Great Western, ont du jeter deux nouveaux rails entre les premiers, pour donner passage aux trains et aux wagons qui leur arrivent des autres lignes et viennent emprunter la leur. Sans cela, il faut soulever mécaniquement, comme nous l’avons vu faire à la gare de Buffalo, la caisse de chaque wagon sur son châssis, et la reporter sur un autre dont les essieux sont munis de roues plus rapprochées. On a essayé aussi d’aller avec les mêmes roues sur des chemins de fer dont la distance entre les rails n’était pas la même. Les expériences n’ont pas été décisives, et l’on cherche toujours le remède à cet inconvénient, encore plus marquant en Amérique qu’ailleurs. Si l’on avait sagement prévu les choses au premier moment de l’établissement des voies ferrées, on aurait adopté partout la même distance entre les rails, comme une commune mesure pour toutes les nations civilisées ; mais chacun se croyait obligé alors de faire les voies plus larges pour avoir des machines plus puissantes et des voitures plus stables. Qui pouvait penser aussi que ce mode de locomotion, entrepris principalement pour le transport des matières lourdes, encombrantes, de peu de prix, deviendrait si général, se répandrait si vite, et que le voyageur, le colis humain, serait bientôt la part la plus certaine et la plus profitable du trafic ?

Les rails sont portés par des traverses en bois, pour lesquelles le chêne, le hêtre, le pin, le sapin, sont les essences préférées ; elles