Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les préfets continuent à soutenir des candidatures assez équivoques sous prétexte d’aider au succès de l’union conservatrice. On subit les conséquences de la politique à laquelle on s’est livré, des confusions qu’on a créées. M. le vice-président du conseil ne voit pas qu’il risque tout pour un concours douteux ou périlleux, — que, sans le vouloir, il joue tout simplement le jeu des bonapartistes, sur lesquels il ne peut même pas compter, qui lui manqueraient certainement le jour où ils y auraient un intérêt de parti. Que veulent en effet les bonapartistes ? qu’ont-ils poursuivi jusqu’ici, même dans ces élections sénatoriales de l’assemblée, où ils ont offert le spectacle d’une si audacieuse évolution ? Ils se sont proposé de faire disparaître d’abord le centre droit, qui, en s’alliant avec le centre gauche, aurait pu constituer une force prépondérante. Ils ont voulu écraser les fractions modérées pour arriver à des élections où la lutte s’engagerait entre les républicains et une armée conservatrice dont les partisans de l’empire resteraient le corps principal. M. le vice-président du conseil entre aveuglément dans ce jeu. Cette union conservatrice qu’il préconise, qu’il interprète et pratique à sa manière, c’est surtout aux impérialistes qu’elle peut servir, et par ce système il n’est point impossible effectivement qu’on n’arrive à un résultat assez étrange, à des assemblées où républicains et bonapartistes seront en présence, formant les principales masses parlementaires. Est-ce là ce que M. le vice-président du conseil appellerait servir les intérêts conservateurs et libéraux de la France ?

Non assurément, la politique de M. le ministre de l’intérieur n’est ni libérale ni conservatrice. Ce qu’on peut même lui reprocher, c’est de n’être point du tout une politique, de n’être qu’un expédient chimérique ou périlleux, et de compromettre les intérêts conservateurs qu’il prétend servir. Ces intérêts, M. le ministre de l’intérieur les compromet par ses alliances, par ses interprétations, par ses combinaisons, qui en vérité n’ont rien de nouveau, qui n’ont jamais rien sauvé.

M. Buffet a certainement une énergie et une obstination de caractère qu’il pourrait mieux employer. Au fond, sous cette apparence de ténacité impérieuse, son système de gouvernement se résume dans une sorte d’entraînement instinctif de réaction et dans une subtilité laborieuse dont un des plus récens et des plus singuliers exemples est le commentaire qu’il vient de donner à la loi sur la presse. Un amendement proposé à cette loi a enlevé au gouvernement le droit d’interdire, par une mesure spéciale, la vente d’un journal sur la voie publique. Fort bien ! cette disposition est assez claire ; mais on ne pense pas à tout. Il se trouve qu’une autre loi de 1849, toujours en vigueur, contient un article qui met dans la dépendance de l’administration les colporteurs ou vendeurs de tous les écrits périodiques ou non périodiques. Ministère de l’intérieur et préfets ont le droit de donner ou de retirer les autori-