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sations de vente, de vérifier les catalogues des colporteurs, d’interdire tout ce qui porte atteinte à la morale, aux lois, à l’ordre, et c’est cet article qu’invoque aujourd’hui l’administration. Il en résulte qu’à défaut du droit spécial d’interdire un journal, qui lui a été retiré par la dernière loi, le gouvernement retrouverait ailleurs la faculté plus générale et plus étendue d’interdire la vente de tous les journaux rien qu’en retirant à un colporteur l’autorisation dont il jouit. Annuler une légalité récente par une légalité ancienne qu’on a oublié de réviser, est-ce là de la politique conservatrice ? Non, ce n’est ni en jouant avec ces subtilités, ni en représentant l’ordre social comme perpétuellement menacé, ni en faisant intervenir, quelquefois avec peu d’opportunité, la personne de M. le maréchal de Mac-Mahon, qu’on est un vrai chef de cabinet conservateur. La vraie politique aujourd’hui sera celle qui, en donnant à la France la paix et l’ordre, dont parle M. le président de la république, saura en même temps la gouverner sans la violenter, lui inspirer une libre et virile confiance dans ses destinées, dans ses institutions, dans les chefs appelés à la conduire.

Au fond, ces crises peuvent être pénibles, elles n’ébranlent pas sérieusement la situation intérieure de la France, qui est assez vivace pour triompher de ces conflits de direction dans sa politique, même d’une bataille électorale comme celle qui va commencer. Une question tout au moins aussi grave serait de savoir si cette année qui s’ouvre, promet à l’Europe la paix que tout le monde désire ou des crises prochaines. La vérité est que les élémens de conflagration, les périls, ne manquent pas, et les nouvellistes en profitent pour mettre en émoi de temps à autre les cercles politiques et les marchés financiers. L’Europe, dans ces dernières semaines, a vu se succéder une multitude de fausses nouvelles heureusement démenties. Un jour, c’était le roi Victor-Emmanuel qui avait profité des réceptions du 1er janvier pour adresser une allocution toute belliqueuse à ses généraux ; il n’aurait parlé de rien moins que d’un prochain appel qu’il aurait à faire au courage de son armée. Qu’est-il resté bientôt de tout cela ? Il y a la vérité toute simple. Le roi Victor-Emmanuel a parlé, comme il parle toujours, avec sa familiarité martiale ; il a témoigné l’intérêt affectueux qu’il porte à son armée, la confiance qu’il a toujours mise dans ses soldats avec lesquels il a combattu. Voilà tout, et, si l’Europe est menacée d’un péril de guerre, ce n’est point à coup sûr l’Italie qui donnera le signal. Le gouvernement de Rome est trop occupé de ses affaires intérieures, de ses finances, du rachat des chemins de fer demeurés jusqu’ici la propriété de compagnies étrangères. — Un autre jour, on a tout à coup annoncé que l’Autriche rappelait ses réserves, qu’elle prenait ses dispositions pour compléter son armée. Un journal anglais le disait sérieusement sur la foi d’un mystérieux correspondant de Vienne ; puis il