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mémoire du baron de Stockmar, ses amis des familles régnantes de Belgique, de Cobourg, d’Angleterre et de Prusse. » Au-dessous on lit ces mots tirés des proverbes de Salomon : « l’ami fidèle aime mieux qu’un frère, mieux qu’un frère il est un ferme appui. »

Le fils du baron de Stockmar a publié récemment les Mémoires de son père, l’éditeur du moins appelle de ce nom des extraits de ses papiers et de ses lettres[1]. C’est une série de notes qui présentent çà et là un vif intérêt, à la condition de les féconder par des recherches plus étendues. Parfois une ligne, une réflexion, un fragment de correspondance, viennent éveiller des souvenirs et provoquer des rapprochemens ; parfois c’est un document qui nous est communiqué, un épisode qui nous est découvert, quoique défiguré par d’énormes lacunes. À vrai dire, le livre qu’on cherche n’existe pas. Il serait regrettable pourtant de laisser dans l’oubli un recueil où se rencontrent de si précieux détails. C’est là ce qui nous attire vers les Mémoires du baron de Stockmar. Les affaires auxquelles les circonstances l’ont initié n’étaient pas d’importance médiocre, les personnes royales dont il a été l’ami comptent parmi les plus illustres et les plus sages de notre siècle. En Allemagne comme en Angleterre, à propos du trône de Grèce comme à propos du trône de Belgique, auprès du prince Léopold et de la princesse Charlotte comme auprès du prince Albert et de la reine Victoria, le baron de Stockmar a vu de près bien des choses que les annales du temps présent ne doivent pas négliger. Je voudrais profiter de ces indications, y ajouter ce qui doit en augmenter le prix, reconstituer les fragmens épars, d’une main libre enfin renouer la trame de la vie et l’enchaînement des faits. Il y a là, si je ne me trompe, les élémens d’une histoire intime qui peut en maintes circonstances compléter l’histoire officielle.


I

Christian-Frédéric Stockmar naquit à Cobourg le 22 août 1787. Il appartenait à une vieille famille de la bourgeoisie du pays. Son père, un jurisconsulte savant, lettré, passionné pour les livres, était mort assez jeune et d’une façon tragique. Un jour, un incendie ayant éclaté dans une maison contiguë à la sienne, il commença par mettre en sûreté des sommes d’argent dont il avait le dépôt, puis il alla surveiller sa bibliothèque, et, voyant les flammes s’approcher, il éprouva une telle commotion qu’il tomba sans connaissance ; quand on le releva, il était mort. Le même jour, la même heure avait fait disparaître à la fois le père de famille et le foyer

  1. Denkwurdigkeiten aus den Papieren des Freiherrn Christian Friedrich von Stockmar, zusammengestellt von Ernst Freiherr von Stockmar, 1 vol. in-8o, Brunswick 1872.