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M. Copley, étaient en mesure de lui causer à leur tour les plus graves embarras. La procédure d’un bill of attainder leur assurait des avantages dont ils profitaient sans scrupules. Ainsi le 9 septembre l’avocat-général du roi, M. Copley, ayant prononcé un réquisitoire qui avait produit une impression profonde, Brougham aurait désiré répondre immédiatement, sans perdre le droit de faire comparaître les témoins de la reine ; or les règles de cette procédure exceptionnelle, qui ne permettaient pas de disjoindre les deux choses (l’appel des témoins à décharge et le discours de la défense), ne permettaient pas non plus que l’appel des témoins à décharge eût lieu avant le réquisitoire. Brougham, effrayé de l’effet produit par l’attaque véhémente de M. Copley, demanda la permission de répondre sur-le-champ, tout en réservant de convoquer plus tard les témoins de la reine et de faire valoir leur témoignage. En d’autres termes, il voulait diviser sa défense en deux parties : l’une qu’il ferait séance tenante, l’autre qu’il ajournerait à quelques semaines. Le lord-chancelier s’y refusa ; Brougham était libre de répondre s’il le voulait, mais il ne pourrait plus appeler de nouveaux témoins et donner une suite à sa défense. À quoi se résoudre ? D’une part, laisser la chambre des lords sous le coup du discours qu’elle vient d’entendre, c’est bien dur pour le vaillant lutteur ; de l’autre, renoncer au droit de faire attester l’honneur de la reine par des voix respectables, se résigner à ne pas confondre une dernière fois cette canaille italienne en lui opposant des personnes de noble vie, n’est-ce pas donner prise à des soupçons fâcheux ? N’aura-t-il pas l’air de douter lui-même de ces témoignages qu’il invoque ? Les récits du temps nous apprennent que Brougham, obligé de prendre son parti, fut en proie à de véritables angoisses. Il lui parut enfin qu’il ne devait pas renoncer à des témoignages dont sa royale cliente avait lieu de s’honorer. Il se résigna, puisque c’était la loi de cette procédure barbare, à ne pas détruire immédiatement le réquisitoire de Copley. Interrogé sur la date où toutes les formalités pourraient être remplies, il répondit que sa défense commencerait le 3 octobre.


IV

Le 3 octobre arrive, ce sera le grand jour de Brougham. La chambre des lords est pleine ; il y a foule au dehors comme au dedans. À l’heure dite, la séance est ouverte. Comme aux séances précédentes, c’est lord Eldon qui est assis sur le sac de laine. Il donne la parole au procureur-général de la reine. Brougham se lève et s’exprime en ces termes :

« Plaise à vos seigneuries ! L’heure est venue où je sens que j’ai