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sous les yeux du parlement. La motion est rejetée, mais elle a donné lieu à un débat dans lequel M. Stuart Wortley (plus tard lord Wharncliffe) a fait entendre ces vigoureuses paroles : « J’ai autant que personne le respect de la royauté, mais je dois déclarer que de tels événemens contribuent à sa ruine. Je le vois avec un profond regret, nous avons une famille royale qui ne tient nul compte de ce qu’on dit ou de ce qu’on pense d’elle. Ses membres semblent être les seules personnes du pays qui ne prennent aucun souci de leur bien-être et de leur honneur. Il ne faut pas que le prince régent se fasse illusion, il se flatterait vainement de sortir sain et sauf de toutes ces affaires. » Ces paroles trouvèrent dans le pays des échos retentissans. On oubliait volontairement tout ce qui pouvait être à la charge de la princesse, on était décidé à ne voir en elle que la femme persécutée, la princesse de race étrangère victime des plus odieux traitemens sur le sol anglais, et qui se défendait avec une énergie toute britannique. Pendant le mois d’avril 1813, la salle du palais de justice, le conseil municipal de Londres, d’autres corps publics, lui votèrent des adresses où était flétrie dans les termes les plus véhémens « l’infâme conspiration formée contre son honneur et sa vie, » et où des hommages enthousiastes saluaient « sa modération, sa franchise, sa magnanimité. »

Tout se lie et s’enchaîne dans les choses de ce monde. Les grands événemens qui à cette date tenaient l’Europe en suspens fournirent bientôt de nouvelles péripéties au drame domestique de la cour d’Angleterre. Au mois de mars 1814, Napoléon, après l’héroïque campagne de France, venait d’être abattu par la coalition européenne. Les alliés étaient entrés à Paris le 31 mars, et le 6 avril l’empereur avait abdiqué. Au mois de juin suivant, l’empereur de Russie et le roi de Prusse, accompagnés du maréchal Blücher et de quelques personnages importans, se rendirent à Londres auprès du prince-régent. Ils y reçurent, comme on pense, un accueil magnifique. Or, dès leur arrivée en Angleterre, la reine, femme de George III, avait prévenu la princesse de Galles qu’il lui serait interdit de prendre la moindre part à la réception des illustres visiteurs. Le prince-régent devait paraître dans toutes les fêtes, et c’était chez lui une résolution inflexible de ne rencontrer la princesse en aucune circonstance, soit publique, soit privée. La princesse protesta une fois de plus dans une lettre au prince qui se terminait par ces mots : « Le temps que vous avez choisi pour cette conduite est de nature à la rendre particulièrement blessante. Plusieurs étrangers illustres sont déjà arrivés en Angleterre, et entre autres, me dit-on, l’héritier de la maison d’Orange, qui s’est annoncé à moi comme mon futur beau-fils. Je suis injustement exclue de leur société. D’autres d’un rang égal au vôtre doivent se réjouir