guerres maritimes représentés par des navires qui se canonnent : par exemple une Arrivée de Maurice de Nassau à Scheveninguen (Guyp, musée Six), un Départ de Charles II de Scheveninguen (2 juin 1660), par Lingelbach, et ce Lingelbach est un triste peintre. Les grands ne traitaient guère ces sujets-là. Et même, en dehors des peintres de marine ou de tableaux exclusivement militaires, aucun ne semblait avoir d’aptitude à les traiter. Van der Meulen, ce beau peintre issu par Snayers, de l’école d’Anvers, très flamand, quoique adopté par la France, pensionné par Louis XIV et historiographe de nos gloires françaises, Van der Meulen donnait aux anecdotiers hollandais un exemple assez séduisant qui ne fut suivi par personne. Les grandes représentations civiques de Ravestein, de Hals, de Van der Helst, de Flinck, de Karel Dujardin et autres sont, comme on le sait, des tableaux à portraits, où l’action est nulle et qui, pour être des documens historiques de grand intérêt, ne font aucune place à l’histoire du temps.
Si l’on songe à ce que l’histoire de ce XVIIe siècle hollandais contient d’événemens, à l’importance de la politique, à la gravité des faits militaires, aux efforts de ce peuple de soldats et de matelots, à son énergie dans les luttes, à ce qu’il souffrit ; si l’on imagine le spectacle que le pays pouvait offrir en ces temps terribles, on est tout surpris de voir la peinture se désintéresser à ce point de ce qui était la vie même du peuple. On se bat à l’étranger, sur terre et sur mer, sur les frontières et jusqu’au cœur du pays ; à l’intérieur on se déchire : Barneveldt est décapité en 1619, les frères de Witt sont massacrés en 1672, à cinquante-trois ans de distance, la même lutte entre les républicains et les orangistes se complique des mêmes discordes religieuses ou philosophiques, — ici arminiens contre gomaristes, là voëtiens contre coccéïens, — et amène les mêmes tragédies. La guerre est en permanence avec l’Espagne, avec l’Angleterre, avec Louis XIV ; la Hollande est envahie et se défend comme on le sait ; la paix de Munster est signée en 1648, la paix de Nimègue en 1678, la paix de Ryswick en 1698 ; la guerre recommence toujours et continue. La guerre de la succession d’Espagne s’ouvre avec le nouveau siècle, et l’on peut dire que tous les peintres de la grande et pacifique école dont je vous entretiens sont morts sans avoir cessé presqu’un seul jour d’entendre le canon. Ce qu’ils faisaient pendant ce temps-là, leurs œuvres nous l’apprennent. Les portraitistes peignaient leurs grands hommes de guerre, leurs princes, leurs plus illustres citoyens, leurs poètes, leurs écrivains, eux-mêmes, ou leurs amis. Les paysagistes habitaient les champs, rêvant, dessinant des animaux, copiant des cabanes, vivant de la vie des fermes, peignant des arbres, des canaux et des ciels, ou bien ils voyageaient ; ils partaient pour l’Italie, s’y