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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/776

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hollandais que nous possédions au Louvre, qu’en savons-nous ? On a bien dit, je présume, qu’elle était peinte au naturel, que l’expression était des plus vraies, et que la peinture en était excellente. Excellente est peu concluant, il faut en convenir, lorsqu’il s’agit de nous apprendre le pourquoi des choses. Pourquoi excellente ? Est-ce parce que la nature est imitée de telle façon qu’on croit la prendre sur le fait ? est-ce parce qu’aucun détail n’est omis ? est-ce parce que la peinture en est lisse, simple, propre, limpide, aimable à regarder, facile à saisir, et qu’elle ne pèche en aucun point ni par la minutie, ni par le négligé ? Comment se fait-il que depuis qu’on s’exerce à peindre des figures costumées dans leur acception familière, dans une attitude posée, et certainement posant devant le peintre, on n’a jamais ni dessiné, ni modelé, ni peint comme cela ? Le dessin, où l’apercevez-vous, sinon dans le résultat, qui est tout à fait extraordinaire de naturel, de justesse, d’ampleur, de finesse et de réalité sans excès ? Saisissez-vous un trait, un contour, un accent, un point de repère, qui sentent le jalon, la mesure prise ? Ces épaules fuyantes en leur perspective et dans leur courbe, ce long bras posé sur la cuisse, si parfaitement dans sa manche, ce gros corps rebondi, sanglé haut, si exact dans son épaisseur, si flottant dans ses limites extérieures, ces deux mains souples qui, grandies à l’échelle de la nature, auraient l’étonnante apparence d’un moulage, — ne trouvez-vous pas que tout cela est coulé d’un jet dans un moule qui ne ressemble guère aux accens anguleux, craintifs ou présomptueux, incertains ou géométriques, dans lesquels s’enferme ordinairement le dessin moderne ? Notre temps s’honore avec raison de compter des observateurs émérites qui dessinent fortement, finement et bien. J’en citerais un qui physionomiquement dessine une attitude, un mouvement, un geste, une main dans ses plans, ses phalanges, son action, ses contractions, de telle manière que, pour ce seul mérite, et il en a de plus grands, il serait un maître incontesté dans notre école actuelle. Comparez, je vous prie, sa pointe aiguë, spirituelle, expressive, énergique, au dessin presque impersonnel de Terburg. Ici vous apercevrez des formules, une science qui se possède, un savoir acquis qui vient en aide à l’examen, le soutient, au besoin y suppléerait, et qui, pour ainsi dire, dicte à l’œil ce qu’il doit voir, à l’esprit ce qu’il doit sentir. Là, rien de semblable : un art qui se plie au caractère des choses, un savoir qui s’oublie devant les particularités de la vie, rien de préconçu, rien qui précède la naïve, forte et sensible observation de ce qui est ; en sorte qu’on pourrait dire que le peintre éminent dont je parle a un dessin, tandis qu’il est impossible d’apercevoir du premier coup quel.est celui de Terburg, de Metzu, de Pierre de Hooch.

Allez de l’un à l’autre. Après avoir examiné le galant soudard de