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111 familles, représentant 555 personnes : Frédéric approuva fort la conclusion ; il remercia les auteurs du travail, et, de 1740 à 1756, il trouva place en Brandebourg pour 50,000 colons ! Il est vrai que des marécages avaient été desséchés, les bords humides et malsains des rivières assainis et fertilisés ; le bétail paissait et les paysans moissonnaient en des endroits où l’on n’avait vu, de mémoire d’homme, ni bêtes, ni gens ; la population des villes s’accroissait énormément, car Berlin, si misérable avec ses 6,000 habitans, au temps du grand-électeur, et qui n’en avait encore que 68,931 à l’avènement de Frédéric, en comptait quinze ans après 100,336, c’est-à-dire près de 32,000 de plus ! C’est au milieu de cette croissante prospérité qu’éclata la guerre de sept ans. Toute la monarchie fut couverte de ruines, et le Brandebourg très éprouvé ; mais à quoi bon peindre encore une fois la désolation de cette province ? on y retrouverait les misères que nous avons dépeintes en parlant de la guerre de trente ans, car peu de pays au monde ont, dans le cours d’une plus laborieuse existence, essuyé plus d’orages que ce pays de Prusse ! Frédéric voulut mesurer l’étendue du désastre pour y proportionner son effort : il apprit que la population avait décru de 66,840 âmes, et il se mit à l’œuvre ; il y apporta une telle énergie, déclara si nettement aux faiseurs de remontrances qu’il donnait des ordres et ne recevait pas de conseils, aux récalcitrans qu’il irait jusqu’au bout de ses desseins, « dussent les gens crier jusqu’au dernier jour, » qu’en 1778 le mal était plus que réparé. La population du Brandebourg a gagné, pendant le seul règne de Frédéric, 207,000 âmes. Il faut tenir compte de l’accroissement normal qui vient du surcroît des naissances et ne pas oublier qu’un assez grand nombre d’étrangers s’établirent dans la Marche sans être des colons proprement dits ; mais une appréciation modérée porte le nombre de ces derniers au moins à 100,000 !

Pour se rendre un compte exact de la prodigieuse activité du roi de Prusse, il faudrait faire, par le menu, l’histoire de la colonisation dans chaque province ; mais on risquerait de se perdre dans la quantité infinie des détails. On ne peut pourtant parler si brièvement de la Silésie, car ici Frédéric n’a pas voulu seulement augmenter le nombre des habitans et accroître la richesse publique au profit de son armée et de son trésor. Il s’agissait de rendre prussienne une province dont l’acquisition fut la plus importante de son règne.

Située sur le revers septentrional des Carpathes, s’étendant entre la Bohême et la Pologne, la Silésie, pays slave, avait été, au moyen âge, rattachée à l’un et à l’autre des deux royaumes slaves, et elle était entrée en 1526 dans les domaines de la maison d’Autriche, quand les Habsbourg devinrent rois de Bohême. Comme les