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« comité national conservateur, » où se cache le bonapartisme le plus incorrigible. Le radicalisme parisien est occupé à donner des représentations de sa façon, et M. Gambetta déploie son éloquence voyageuse du nord au midi, de Lille à Marseille et à Bordeaux, il est partout, excepté à Paris, livré pour le moment à l’intempérance des candidats et des discoureurs de fantaisie.

Il faut en prendre son parti, c’est un accès de fièvre à passer. Ce qu’il y a de triste pour les esprits sensés, c’est qu’évidemment cette lutte électorale est mal engagée ; elle se ressent d’une situation toujours équivoque où se trouvent en présence des opinions qui, si elles venaient à triompher, ne tarderaient pas à jeter le pays dans des crises nouvelles sans s’inquiéter d’une constitution de plus ou de moins. On a l’air de se battre par-dessus la constitution, le plus souvent en dehors de la constitution. M. le vice-président du conseil semble, il est vrai, se faire un devoir de prolonger jusqu’au bout cette équivoque par toutes les tendances de sa politique ; par ses alliances ou par ses exclusions passionnées ; mais certainement aussi le radicalisme fait ce qu’il peut pour lui donner des armes et des prétextes. On dirait que les radicaux ont été créés tout exprès pour compromettre la république, pour la rendre suspecte, et malheureusement Paris a le dangereux privilège de rester leur théâtre de prédilection. Ce n’est pas que la grande ville en soit pour le moment fort émue ou qu’elle s’associe à ces banales et bruyantes représentations de salles enfumées ; elle ne s’en occupe guère, elle ne s’en occupe même pas assez ; et son indifférence sceptique est une facilité de plus pour cette démagogie quelquefois illustre, le plus souvent inconnue qui se croit le droit de parler en son nom.

Chose curieuse ! c’est l’élection du sénat, qui n’a eu certes à Paris rien de réactionnaire, puisqu’elle a fait d’un ouvrier, de M. Tolain, un sénateur, — c’est cette élection du 30 janvier qui a mis le radicalisme en belle humeur et qui a donné le signal de l’explosion. Quoi ! M. Victor Hugo n’a point été nommé le premier d’un vote unanime et enthousiaste, il n’a été élu que le quatrième et au deuxième tour de scrutin ! Olympio a passé trois jours à dévorer l’offense, puis il s’est rendu dans une réunion électorale pour proposer à l’assemblée de protester par le suffrage universel contre le suffrage restreint. Il ne s’est pas souvenu, dans le puéril dépit de sa vanité, que peu auparavant il avait ambitionné l’honneur d’être le mandataire de ce suffrage restreint, un électeur du sénat, et qu’il avait trouvé ce titre suffisant pour écrire la « lettre du délégué de Paris aux 36,000 délégués de France. » M. Hugo, à la vérité, avait l’air de venger non sa propre injure, mais la défaite de M. Louis Blanc, qui n’a point été élu du tout et à qui Paris devait pour le moins la protestation d’un plébiscite solennel. Nous avons vu le moment où l’auteur de l’Organisation du travail allait être présenté dans