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L’Italie nouvelle, dans sa liberté, garde un mérite ; elle sait honorer ses morts illustres, et elle vient de le prouver encore une fois autour de la tombe de ce vieux marquis Gino Capponi, qui vient de s’éteindre à quatre-vingt-trois ans, dans cette aimable Florence qu’il n’a cessé d’habiter. Capponi était le dernier descendant d’une ancienne famille qui a compté des prieurs, des gonfaloniers, des soldats, des diplomates. L’histoire de sa maison se confond avec l’histoire de Florence. Mêlé dans sa longue carrière à tous les événemens, personnage indépendant et libéral sous le régime absolu, ministre constitutionnel du grand-duc Léopold en 1848, sénateur depuis l’indépendance, il avait toujours gardé la modération des idées et l’honneur du caractère. C’était un esprit très cultivé, qui avait été l’ami dévoué encore plus que le patron bienveillant de tous les écrivains contemporains de l’Italie, qui s’était associé à toutes les tentatives pour réveiller le goût des études, et qui avait souvent écrit lui-même, qui laisse comme testament littéraire une Histoire de la république de Florence, publiée récemment. Il ne pouvait plus depuis longtemps avoir un rôle actif, il avait été atteint, il y a bien des années, d’une cécité absolue. Rien n’était plus imposant que ce grand et affable vieillard aux yeux fermés à la lumière, à l’intelligence toujours lucide, s’intéressant à tout, suivant d’une pensée attentive et ferme les affaires de l’Europe aussi bien que les affaires de son pays. On aurait dit, à le voir dans sa haute stature respirant la franchise et la force tranquille, une image du passé souriant au présent. Le peuple l’aimait et le vénérait ; les passans s’inclinaient devant lui quand il allait chaque jour, conduit par un serviteur, à sa paroisse de l’Annunziata, car le vieux libéral italien était resté de religion simple. Sa mort a été un deuil de famille pour Florence, un deuil national pour l’Italie.

Il y a deux semaines, la ville de Pesth se pavoisait de noir et fermait ses magasins pour la mort de Deàk. L’impératrice d’Autriche allait déposer elle-même une couronne sur le cercueil du patriote hongrois. Ces jours derniers, Florence, elle aussi, s’est pavoisée pour la mort de Gino Capponi. La bourse a été fermée, le drapeau national a été hissé couvert d’un crêpe sur le palais vieux. Le roi Victor-Emmanuel a pris part au deuil public, le président du conseil s’est rendu à Florence, et la population entière a suivi le convoi du vieux Florentin. Les peuples libres s’honorent eux-mêmes par ces hommages spontanés rendus non à des flatteurs de leurs passions et de leurs faiblesses, mais à ceux qui meurent comme ils ont vécu, fidèles jusqu’au bout au patriotisme et à l’honneur.


CH. DE MAZADE.


Speeches in England and India, by Earl of Mayo, edited by Gosto Behary Mullick, Calcutta 1873.


On n’a pas oublié la triste mort du vice-roi de l’Inde, lord Mayo, assassiné le 8 février 1872 par un fanatique dans une visite qu’il