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les amis de la Grèce, Dawkins, Eynard, supplièrent Capodistrias de proposer sans retard un autre candidat. Il n’y avait pas un jour à perdre, disaient-ils, pour atténuer l’effet désastreux de cette retraite. Le président n’avait-il pas en vue tel ou tel prince ? N’avait-il pas songé déjà, prudent et avisé comme il était, aux chances possibles d’un refus, sans parler des autres chances humaines ? On le pressait ainsi de questions, on le suppliait d’en finir ; il fallait absolument indiquer son candidat. Son candidat ? Il était le seul qui ne pût pas le désigner par son nom ; il attendait que les puissances, ne trouvant plus personne dans les familles royales qui voulût accepter ce présent dédaigné, voyant d’ailleurs en lui un ennemi résolu de l’anarchie hellénique, se décidassent de guerre lasse à lui conférer la souveraineté de fait, c’est-à-dire une sorte d’hospodorat sous la garantie de l’Europe. « Je n’ai pas à proposer de candidat, répondait-il invariablement. Ce serait empiéter sur les attributions de la conférence de Londres. »

Le programme secret du comte Capodistrias pouvait se réduire à ces deux points : 1o écarter le prince étranger, quel qu’il fût, élu roi de Grèce par les plénipotentiaires de Londres ; 2o dominer l’anarchie dans la péninsule hellénique, et, sous prétexte de dominer cette anarchie, détruire les grandes influences locales, ruiner les familles illustrées par la guerre de l’indépendance, annuler ou écraser les primats. La première partie de ce plan étant réalisée, provisoirement au moins, par la retraite du prince Léopold, le comte Capodistrias entreprit de réaliser la seconde.

Toute l’année 1830 et les neuf premiers mois de l’année suivante offrent le tableau d’une lutte perpétuelle entre le président et la Grèce, lutte ardente, compliquée, très difficile à suivre, car elle nous montre tantôt un gouvernement aux prises avec le désordre public, tantôt un dictateur aux prises avec des ennemis personnels. Notre révolution de juillet 1830 vint encore aggraver cette confusion. La politique française, qui sous la restauration marchait d’accord avec la Russie et augmentait en Orient l’autorité morale du tsar, se trouva naturellement poussée vers l’Angleterre, surtout depuis qu’un ministère whig avait remplacé les tories. Ajoutons que la Russie à cette date n’avait plus la même liberté d’action ; les affaires de Pologne faisaient grand tort aux affaires de Grèce. L’influence russe déclinant dans la péninsule, l’audace des primats s’accrut, et bientôt toute une moitié du pays se souleva contre le président. Hydra était un des principaux centres de l’insurrection. Une commission composée de sept membres, tous ennemis de Capodistrias, résolut d’y convoquer un congrès national. Les Maïnotes, de leur côté, sans attendre ce congrès, avaient formé à Limeni un