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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/240

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novice, aussi visiblement dénuée de talens d’un certain ordre et d’expérience politique. Cela peut s’expliquer, il est vrai, par le passage d’un certain nombre d’hommes éminens dans le sénat, et malheureusement les vingt années de l’empire n’ont pas contribué à fortifier, à renouveler le personnel politique de la France. Le fait n’est pas moins réel pour la chambre des députés qui va arriver à Versailles, et on nous permettra de croire que ce n’est pas une garantie. Cette assemblée sortie du scrutin du 20 février n’est évidemment qu’une représentation trop insuffisante des forces politiques et intellectuelles de la France. Voilà un danger, et à côté de ce qu’il y a d’inconnu dans la nouvelle majorité républicaine, il y a ce qui est trop connu, les traditions surannées et excentriques, les déclamations banales, la phraséologie révolutionnaire des programmes, ce qui a toujours l’air de faire de la république un régime de turbulences, d’agitations et de menaces tyranniques pour toutes les sécurités, pour tous les intérêts.

Oui, assurément, si les républicains qui vont disposer de la majorité ont un peu de prévoyance, ils comprendront que le meilleur moyen de réussir dans leur œuvre, c’est de répudier sans hésiter le langage, les procédés, les préjugés, les jactances d’un autre temps, c’est de comprendre qu’ils ne peuvent aller jusqu’au bout et accréditer le régime nouveau que par le bon sens, par la mesure. Voilà aujourd’hui plus que jamais le moment de se souvenir de ce message du 12 novembre 1872, où M. Thiers traçait le programme de la seule république possible, où il disait : « La république sera conservatrice ou elle ne sera pas. La France ne veut pas vivre dans de continuelles alarmes : elle veut pouvoir dormir en paix afin de travailler pour se nourrir, pour faire face à ses immenses charges. Si on ne lui laisse pas le repos dont elle a indispensablement besoin, quel que soit le gouvernement qui lui refuse ce repos, elle ne le souffrira pas longtemps. Quant à moi, je ne comprends, je n’admets la république qu’en la prenant comme elle doit être, comme le gouvernement de la nation qui, ayant voulu, longtemps et de bonne foi, laisser à un pouvoir héréditaire la direction partagée de ses destinées, mais n’y ayant pas réussi par des fautes impossibles à juger aujourd’hui, prend enfin le parti de se régir elle-même par ses élus, librement, sagement désignés, sans acception de partis, de classe, d’origine... »

Voilà les conditions tracées par la sagesse bien avant la constitution du 25 février 1875 et les élections du 20 février 1876. Ce sont les conditions mêmes de la durée et de la vie en dehors desquelles on ne pourra rien, et la plus sûre manière de rester dans ce programme, c’est d’éviter deux dangers. Le premier est celui de la précipitation tapageuse, d’une réaction systématique contre tout ce qui s’est fait depuis quelques années, contre des lois à peine votées. Les questions naîtront d’elles-mêmes