Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le représente en général assis les jambes croisées, la tête légèrement penchée en avant, les yeux ouverts, mais le regard noyé dans une vague rêverie; il a une verrue caractéristique entre les sourcils, à la naissance du nez. Quelques-unes de ces statues, notamment la représentation colossale qu’on voit à Kamakura, ont une admirable expression d’impassibilité. Shotoku taishi est représenté dans les temples à côté de Bouddha, dont il propagea la doctrine. Sakyaniorai n’est autre que le fondateur du bouddhisme, la dernière incarnation de l’intelligence suprême. On connaît les peintures et les tapisseries qui représentent sa mort : le saint est étendu sur une sorte de lit de parade, que les profanes comparent irrespectueusement à une table de billard; autour de lui, ses fidèles disciples en larmes et des représentans de toutes les espèces animales, mènent le deuil universel de la nature; le chat seul est absent. Un conte des faubourgs veut qu’à son lit de mort le révélateur ait envoyé un rat chercher le remède qui devait le sauver; le chat ne put s’empêcher de happer le rongeur au passage; le remède n’arriva pas à temps, et le chat fut exclu pour avoir causé la mort du sauveur du genre humain. Nommons encore Yemma, le Rhadamante bouddhiste; mais il est temps d’arrêter cette énumération, le lecteur aurait peine à nous suivre à travers les Go hiaku Rakkan (500 saints) exposés dans un seul temple à Yeddo, et ce ne sont pas les seuls.

Les temples consacrés à ces divers cultes couvrent le Japon d’un bout à l’autre, sauf dans l’île de Yéso, où l’on n’en voit pas, même dans la prétendue capitale qu’on a entrepris, sans succès, d’y bâtir. On a déjà vu en quoi consiste le mya du pur shinto ; quant aux tera, ils affectent différens styles suivant la secte à laquelle ils appartiennent. Ceux de Monto, précédés d’un lourd portique à deux étages, ressemblent à de vastes halles où le public va et vient; ceux de Ten-dai, qui ont pour type les monumens élevés à Nikko pour recevoir les cendres de Yéyas, sont d’un genre plus grandiose et plus recueilli. Presque toujours ces monumens sont construits au penchant des collines, au milieu des plus beaux arbres de la contrée, précédés, entourés, encadrés d’érables aux tons resplendissans. L’architecture en est ingénieuse, mais absolument uniforme pour chaque genre donné, et dépourvue de cette inspiration religieuse qui semble avoir élevé nos cathédrales. La masse énorme du toit s’appesantit sur des piliers disproportionnés; on se sent littéralement écrasé quand on entre dans ces basiliques; en revanche l’ornementation en est merveilleuse de richesse et de délicatesse. Ce qui fait le plus d’honneur aux artistes japonais, en cette matière, c’est le goût avec lequel les emplacemens sont choisis et les dépendances étagées dans les pentes verdoyantes. On retrouve là cette science et cette