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grands parens, Anne de Montmorency, connétable de France, et Magdeleine de Savoie. Dès dix ans, il fut mené à la cour de Charles IX encore mineur, et devint le compagnon de jeux du roi, du duc d’Anjou et du duc d’Alençon. Il prit part à douze ans à la fameuse retraite de Meaux quand le connétable dut protéger la personne du roi avec les nouvelles levées suisses contre la cavalerie huguenote. « Je fis comme les autres, écrit-il dans ses Mémoires, me tenant le plus près du roi que je pouvais, mon épée à la main[1]. » Le connétable mourut peu après à la bataille de Saint-Denis, et Louis de La Tour resta auprès de sa grand’mère. Il avait dix-huit ans au moment de la Saint-Barthélémy, et, dit-il, « cet acte inhumain me fit aimer et les personnes et la cause de ceux de la religion, encore que je n’eusse aucune connaissance de leur créance. » Il assista pourtant au siège de La Rochelle et prit sa part de tous les périls et de toutes les occasions. Pendant les lenteurs du siège, il se laissa séduire par le duc d’Alençon, qui, bien que servant dans l’armée royale, méditait de venger la Saint-Barthélémy et avait noué des intelligences avec La Noue, qui était dans la place. « Monsieur le Duc doncques, le roy de Navarre, monsieur le Prince et monsieur de La Noue et moi se trouvèrent ensemble et se promirent les princes grande amitié. » Cette conspiration militaire n’eut toutefois pas le temps d’éclater; la paix fut signée et le camp fut licencié.

Le vicomte de Turenne était pourtant devenu suspect à la cour; il se laissa tomber volontairement dans la disgrâce. Il refusa de s’allier aux Lorrains et d’épouser Mlle de Vaudemont, qui depuis fut reine de France. Toutes ses inclinations étaient déjà du côté des huguenots.

Après la nouvelle prise d’armes, il se déclara ouvertement, fit quelque temps la guerre pour son compte dans le Quercy, puis alla rejoindre à Moutiers l’armée commandée par Condé et par Monsieur, et les reîtres allemands amenés par le duc Jean Casimir. Il avait arboré l’enseigne blanche des huguenots, malgré les exhortations de Monsieur. Mécontent de Monsieur, il quitta brusquement l’armée pendant les négociations qui s’ouvrirent dès que l’armée rebelle approcha de Paris. Retourné à Turenne, il fit tout à fait profession de la religion comme le roi de Navarre, avec qui il commença à se lier fortement.

Quand le duc de Parme assiégea Cambrai, Monsieur réunit des troupes de secours sur la frontière de Picardie; le vicomte de Turenne quitta l’Auvergne et alla s’offrir à Monsieur « avec 50 gentilshommes de très bonne qualité, qui ne dédaignaient pas de porter

  1. Mémoires de M. le duc de Bouillon, p. 21. Paris 1656.