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L’EUROPE ET L’AMÉRIQUE
EN 1778
D’APRÈS L’HISTOIRE DE BANCROFT.

Histoire de l’action commune de la France et de l’Amérique pour l’indépendance des États-Unis, par George Bancroft, traduite et annotée par le comte Adolphe de Circourt, accompagnée de documens inédits. Paris 1870.

M. Bancroft est en Amérique un des hommes qui connaissent le mieux l’Europe, où il a longtemps résidé. Historien des États-Unis, ce n’est pas lui qui sacrifierait l’ancien monde au nouveau, et qui négligerait d’étudier l’action réciproque qu’ils ont toujours exercée l’un sur l’autre. Commencé depuis vingt ans, son ouvrage se divise en périodes, dont chacune pourrait presque former une histoire séparée. Quand il aborda le dixième volume, c’est-à-dire la période de l’alliance française qui s’ouvrit en 1778, il sentit le besoin de jeter un coup d’œil sur l’état de l’Europe et d’expliquer à sa manière certains reviremens très propres à troubler la sérénité d’un historien. En effet, n’était-il pas bizarre que dans cette Europe, où la nouvelle république avait puisé les germes de la liberté civile et religieuse, la cause de l’indépendance eût pour uniques soutiens les puissances les plus catholiques et les plus monarchiques, la France et l’Espagne? Et pour un savant moderne, très enclin à faire rouler l’histoire du monde sur la théorie des races, n’est-il pas humiliant de devoir la grandeur de son pays au concours des races latines avec lesquelles on rougirait de se voir confondu? Ainsi M. Bancroft rencontrait sur son chemin les problèmes historiques les plus graves, et au premier rang celui de l’éternel désaccord entre les idées et les faits : ici, un peuple qui a enfanté la réforme et qui ferme l’oreille