Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

richesse exceptionnelle, surtout le beau filon présentement célèbre sous le nom de Comstock, qui était destiné à produire, après qu’on aurait terminé divers travaux préparatoires d’une grande importance, les mêmes merveilles que le Potosi dans le haut Pérou pendant la seconde moitié du XVIe siècle. Pour comble de bonheur, les mineurs californiens, chercheurs infatigables, avaient trouvé à une médiocre distance de ces magnifiques gisemens d’argent une mine abondante de mercure, celle de New-Almaden. On sait que le mercure est le principal ingrédient pour l’extraction de l’argent. Les nouveaux états qui s’organisent successivement sur le versant de l’Océan-Pacifique, pour entrer à titre de membres effectifs dans la puissante union qui compose la grande république américaine, contiennent beaucoup d’autres mines d’argent qui semblent destinées à faire sensation.

Sous l’influence de la proportion forte et ascendante d’argent qui se tire présentement des entrailles de la terre dans cette région, et dont l’importance relative est accrue par une diminution fort appréciable de la production d’or qui avait lieu il y a une dizaine d’années, la valeur de l’argent par rapport à l’or a baissé, mais beaucoup plus que la valeur de l’or n’avait faibli après les découvertes faites en Californie et en Australie et fort au-delà de ce qu’on aurait pu pressentir. Le rapport de l’or à l’argent est devenu successivement 16, puis 16 1/2, et maintenant il dépasse 17, car la baisse de l’argent est d’environ 12 pour 100. Elle a été un moment entre 14 et 15. Depuis l’ouverture du siècle, la dépréciation qu’on avait pu observer dans l’argent relativement à l’or n’avait jamais atteint que le quart de cette proportion. Il est vrai que, conformément aux propositions des délégués de l’union latine réunis en conférence, on a limité l’invasion menaçante de l’argent en restreignant le monnayage des pièces de 5 francs de ce métal dans chacun des états composant l’union, et pour 1876 ce monnayage ne doit pas dépasser 110 millions, mais cette quantité vient presque tout entière se troquer chez nous contre de l’or, avec un beau profit pour qui fait l’opération. Si l’on fût resté complètement inactif, peu d’années auraient suffi pour que les grosses pièces d’argent de 5 francs devinssent ce qu’elles étaient avant 18û8, notre unique instrument métallique dans les échanges.

Mais il faut autre chose que ce palliatif. Notre gouvernement a pu croire, — et c’est ce qui excuse ses attermoiemens, — que la baisse de l’argent était un accident dont on verrait la fin prochainement. Dans cette supposition, il attendait, comme le voyageur qui trouve sur son chemin une rivière subitement grossie par un orage et dont le gué est devenu infranchissable, attend que la crue soit passée. L’illusion aujourd’hui n’est plus possible. La baisse de