Il y a maintenant quinze années que j’entretenais périodiquement les lecteurs de la Revue des productions de nos théâtres ; aujourd’hui, après cette longue interruption, il me semble que je retrouve notre art dramatique juste au même point, où je l’ai laissé. Rien qui me fasse apercevoir que le temps a marché, rien qui me donne une impression de quelque chose de nouveau et d’imprévu. C’est bien toujours le vieux terrain que je foule ; c’est bien toujours de la même esthétique que s’inspirent nos dramaturges, l’observation franche, volontiers brutale, quelquefois cynique de la réalité, transportée directement et toute vive du monde des faits au théâtre, sans avoir subi aucune transformation qui en modifie les caractères. Et c’est bien toujours aussi le même drame qui résulte de cette esthétique ; j’en reconnais tous les élémens : voici le même adultère, le même ménage, soit clandestin, soit interlope, soit séparé, les mêmes enfans quasi bâtards, quoique légitimes, orphelins sans l’être, de parens ; bien vivans. En parlant ainsi, je n’ai point l’intention de formuler une critique, je veux seulement constater que rien n’a changé dans les formes, les méthodes et les élémens du théâtre contemporain.
A vrai dire, ce statu quo n’a rien qui m’étonne ; c’est le contraire qui serait fait pour surprendre. Le théâtre, se proposant l’étude exclusive de la société contemporaine, n’est point libre de changer à son gré