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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/704

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qui a fait misérablement avorter la campagne si bien commencée du général Bourbaki[1].

Les généraux prussiens sont obligés de convenir qu’en 1870, lors de la mobilisation de l’armée, les lignes allemandes ont fait merveilles ; ils reconnaissent que les diverses administrations dont elles dépendent ont presque été sans reproche. En vertu d’une loi votée depuis, ces lignes seront, en cas de guerre, administrées militairement. Un article de la constitution stipule en outre que tous les chemins de fer dont l’établissement sera jugé nécessaire dans l’intérêt de la défense de l’Allemagne, pourront être construits pour le compte de l’empire, quoi qu’en puissent penser les états fédérés dont on empruntera le territoire. Ces décisions et ces précautions ne suffisent pas au parti militaire. Il a du lire avec plaisir dans l’exposé de motifs qui accompagne le nouveau projet de loi « que l’heureuse issue de la dernière guerre a démontré l’importance considérable d’un réseau adapté à des fins stratégiques, et que c’est le devoir de l’empire de tirer tout le parti possible de ce réseau pour la défense du territoire. » Les généraux prussiens, qui prévoient tout, ont prévu le cas où l’Allemagne serait attaquée de deux côtés à la fois et aurait à faire front à deux ennemis ; il n’y aurait de salut pour elle que dans ses railways, et il y va de la sûreté de l’empire que, dès ce jour, tous les chefs de gare soient des fonctionnaires impériaux, façonnés aux leçons de cette discipline sévère, de ce savant dressage dont on tient école à Berlin.

Le rachat n’intéresse pas seulement les commerçans et les militaires ; il aura des conséquences politiques d’une incontestable gravité, dont s’alarment tous ceux qui désirent conserver aux gouvernemens secondaires le peu d’autonomie qui leur reste. « La Saxe, disait-on récemment dans la seconde chambre saxonne, est en possession d’un réseau de chemins de fer dont la formation a puissamment contribué au développement économique du pays. Elle y trouve non-seulement une source de revenus qui suffit pour payer les intérêts du capital engagé et pour l’amortir par degrés, mais un excédant qu’elle applique à d’autres besoins de l’état et à l’amélioration de plusieurs services, entre autres de celui des forêts, ce qui lui permet de ne pas augmenter ses impôts. Elle attache un grand prix à la conservation de cette propriété acquise par beaucoup de soins et de peines, d’autant plus qu’elle la sait en bonnes mains. Elle a souscrit pour la plus grande partie les emprunts nécessaires à la construction de ses voies ferrées, et par l’entremise de la représentation nationale elle peut contrôler la gestion de son gouvernement. Elle perdrait à jamais cet avantage, si les chemins saxons étaient absorbés dans le grand réseau de l’empire, dont l’administration

  1. Militair-Wochenblatt vom 4 dezember 1875 : Die militairische Seite der Eisenbahnfrage.