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quités de polémique, les certificats qui ne manquent jamais et les plaintes d’un candidat vaincu ? Est-ce qu’il suffit même de montrer que des maires, des préfets et des sous-préfets ont témoigné une préférence ou une opinion, pour crier aussitôt à la candidature officielle et pour casser une élection ? Franchement, c’est la première fois qu’une assemblée procède avec cette désinvolture, avec ce parti-pris d’invalidation. Les enquêtes, en paraissant moins violentes, ne valent guère mieux. Elles risquent d’être inefficaces ou d’engager la chambre dans une voie vraiment assez périlleuse ; elles n’aboutiront à rien ou elles peuvent dépasser le but.

Une enquête sur des faits exceptionnels et précis constituant une altération grave du suffrage universel, — bien ; une enquête sur des opinions, sur des influences, sur des accusations réciproques de candidats opposés, sur les rapports d’un préfet avec les maires, d’un évêque avec ses prêtres, — à quoi cela conduira-t-il ? Veut-on constater que M. le comte de Mun a été à Pontivy le candidat clérical par excellence, le chevalier du Syllabus, le protégé de M. l’évêque de Vannes, à l’exclusion de son concurrent, un ecclésiastique bonapartiste ? L’élu de Pontivy l’avoue lui-même sans subterfuge, avec une candeur audacieuse d’apôtre égaré dans un parlement, et on ne découvrira rien de plus extrême que ce qu’il dit tout haut. Si on est réduit à confirmer son élection, après des interrogatoires et des rapports dénués de sanction, on sera bien avancé ; si on l’invalide, on n’empêchera pas l’arrondissement de Pontivy de le réélire. Est-ce l’influence, l’intervention du clergé qu’on se propose de poursuivre et d’atteindre à Pontivy, comme on veut atteindre le bonapartisme ailleurs ? Il faut savoir ce qu’on fait avant d’aller plus loin. Le cléricalisme est un danger, le bonapartisme est un autre danger ; mais ce n’est pas avec des invalidations et des enquêtes qu’on peut les combattre efficacement aujourd’hui. On ne les contiendra que par une bonne politique, libérale dans sa direction en même temps que rassurante pour tous les intérêts conservateurs, offrant au pays la garantie d’un régime régulier et fait pour durer. Tout le reste ressemble à une vaine représaille de parti, à un abus de la victoire, à un procès de tendance.

Les républicains ne réfléchissent pas qu’ils forgent des armes qui pourraient bien, un jour ou l’autre, être tournées contre eux, et ce qu’il y a de curieux, ce qui est la partie assez plaisante de ces premiers débats parlementaires, c’est cette sorte d’ingénuité inconsciente avec laquelle la présente majorité s’attribue, à l’égard des élections, un droit de haute et basse justice, — qu’elle n’applique naturellement qu’à ses adversaires. Bien entendu en effet, les élections républicaines n’ont rien à voir avec les enquêtes ; elles sont pures de toute intrigue, de tout abus d’influence ! Les républicains ne savent pas ce que c’est que tromper et capter le suffrage universel ! Ils ne travestissent jamais les opinions de leurs adver-