Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il a certes employées avec fruit pour l’Italie : c’est lui qui a négocié cette réconciliation définitive avec L’Autriche qui s’est réalisée par l’entrevue de l’empereur François-Joseph et du roi Victor-Emmanuel à Venise. Tous ses efforts ont été pour la paix, pour l’indépendance italienne, même vis-à-vis des prépotens du jour, et dans ses rapports avec la France l’habile ministre qui a longtemps dirigé les affaires étrangères à Rome, M. Visconti-Venosfta, a montré ce que peut un esprit élevé et sympathique dans des circonstances parfois délicates. M. Minghetti, qui est le plus aimable et le plus optimiste des présidens du conseil, a pu dire, sans trop de complaisance pour lui-même et pour ses collègues, qu’en descendant du pouvoir il laissait du moins une bonne situation diplomatique et une bonne situation financière.

Qu’arrivera-t-il maintenant ? Ce qu’il y a de grave ou de caractéristique, c’est que pour la première fois le parti libéral modéré, qui a eu presque invariablement depuis quinze ans, depuis la constitution de l’Italie, la direction des affaires, s’éclipse complètement, le pouvoir paisse brusquement à l’opposition, même à une opposition assez avancée. S’il y a eu des négociations pour former un cabinet mixte ou de coalition avec les dissidens qui ont aidé à renverser le dernier ministère, ces négociations ont échoué. D’ailleurs, se fût-on prêté à des transactions personnelles, il n’en serait jamais résulté qu’une combinaison sans cohésion et sans efficacité. Les dissidens restent donc en dehors de tout, et c’est la gauche seule, la gauche pure et simple qui triomphe. Le nouveau cabinet s’est formé avec M. Depretis, le chef reconnu de l’opposition depuis la mort de Rattazzi, avec M. Nicotera, un ancien agitateur républicain rallié à la monarchie constitutionnelle, avec M. Mancini, un avocat napolitain, promoteur plus éloquent que précis de théories humanitaires, avec M. Melegari, qui passe de la légation de Berne aux relations extérieures, avec M. Zanardelli, un Vénitien nouveau-venu aux affaires. Le danger pour ce ministère, particulièrement pour M. Depretis ; qui est un vieux parlementaire piémontais, c’est d’arriver au pouvoir moins par un mouvement réel d’opinion que par une sorte d’accident, et de paraître représenter une politique qui n’aurait rien d’absolument rassurant si elle devait être un vrai programme. Il est certain que depuis quelques années la gauche s’est signalée par ses bruyantes préférences pour une intimité de l’Italie avec l’Allemagne, par ses déclamations sur les impôts, sur les tendances réactionnaires des modérés, sur les connivences cléricales du dernier cabinet. Le nouveau ministère ne se propose pas sans doute de faire de la politique avec ces déclamations. Le programme que M. Depretis vient d’exposer devant les chambres promet une réforme électorale, l’amélioration du système d’impôts, l’instruction obligatoire, un projet sur le Tibre, le règlement de la question des chemins de fer, une politique ecclésiastique plus accentuée. Après cela, M. Depretis se hâte de déclarer que le gouvernement ne doit pas