Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1,100 pieds et large de 700. Au fond sont placées les cales de construction, les formes de radoub et les ateliers. L’eau dans les bassins est maintenue à la hauteur de 9 mètres, et les cales de construction sont de dimensions à recevoir les plus grands navires. Le port de la Jahde peut donc créer et abriter une flotte de premier ordre. On achève avec une ardeur extrême les fortifications de cet arsenal ; sur la digue au nord, trois forts en défendront l’entrée. À l’autre extrémité du golfe, on fortifie l’endroit nommé Eckwarder-Horn. Des milliers d’ouvriers sont employés à ces travaux.

Le port n’était ni terminé ni fortifié quand éclata la guerre avec la France. Guillaume, alors simple roi de Prusse, venait de l’inaugurer, et à cette occasion la flatterie, qui ne perd jamais ses droits, l’avait nommé Wilhelmshafen. La défense permanente n’en était point organisée. On ne put opposer que des travaux provisoires à l’attaque dont menaçait la flotte française quand elle parut devant. Wilhelmshafen en juillet 1870 : précaution d’ailleurs suffisante, puisque cette flotte, première victime d’une imprévoyance funeste et générale, n’avait à sa disposition ni canonnières, ni batteries blindées, ni troupes de débarquement. Trois frégates et trois canonnières cuirassées qui se trouvaient dans la Manche au moment où la guerre fut imminente, s’étaient retirées en toute hâte à Wilhelmshafen. Elles n’en sortirent plus jusqu’à la paix. Ainsi le port achevé au moment opportun par le gouvernement qui préparait depuis longues années cette lutte suprême, servit à préserver la marine prussienne.

Les bâtimens épars dans la Baltique avaient trouvé à Kiel, au moment de la guerre, un refuge non moins sûr que Wilhelmshafen. L’impossibilité de les en déloger fut démontrée, aussi y restèrent-ils à l’abri et libres de rire de nos démonstrations impuissantes. « Les Prussiens ne sacrifient rien à la vaine gloire ; » ils cherchent avant tout à obtenir des résultats positifs avec le moins de risques possibles. Le courage chevaleresque, qui s’expose pour le seul honneur, ne leur est point sympathique. Le gouvernement partage cette manière de voir et la propage dans l’armée ; mais il faut convenir que l’attitude imposée à la flotte prussienne n’a pas été, pour une marine nouvelle, un brillant début. La guerre maritime est surtout propice aux traits d’audace individuelle. Les commandans, quand ils naviguent seuls dans les mers éloignées, sont libres d’affronter d’autres bâtimens isolés, duels dont l’histoire est pleine. La flotte prussienne avait un certain nombre de bâtimens en station dans les mers lointaines. Les nôtres leur offrirent le combat. Les commandans prussiens, fidèles à leurs instructions, restèrent enfermés dans les ports neutres sans se laisser émouvoir par l’exemple récent du combat de l’Alabama contre le Keerseage, dans les eaux