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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/216

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point encore ; telle qu’elle est toutefois, la machine solaire de Tours est dès à présent prête à passer des spéculations de la théorie dans les applications de la pratique. Elle n’est ni trop coûteuse, ni difficile à installer, ni délicate a manier, et, à quelque point de vue que l’on se place, répond victorieusement à toutes les objections. On peut dire qu’elle se plie à tous les emplois industriels auxquels peut s’appliquer la chaleur solaire, surtout dans les contrées intertropicales où se fait déjà sentir l’absence de tout autre combustible que le soleil pour les besoins de l’industrie. Dans un avenir qu’on peut dire assez rapproché, il n’y aura même pour tout pays d’autre combustible que le soleil, d’autres machines que celles qui seront mises en mouvement par la chaleur de cet astre ; cette chaleur, on aura sans doute trouvé alors le moyen de l’emmagasiner, car il faudra bien, sous nos climats, dans les diverses applications du calorique solaire, songer à parer aux temps couverts, aux temps de pluie, qui composent, malheureusement pour nous, la plus grande partie de l’année.

Cela peut paraître un plaisant paradoxe de dire que c’est dans le soleil que les âges futurs, quand les houillères seront épuisées, iront chercher la chaleur et la force dont l’industrie et l’économie domestique ont besoin. Rien cependant n’est plus aisé à démontrer : aujourd’hui, qu’il est probable que la force, le mouvement, la pesanteur, la chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme, ne sont que le résultat des modifications d’un seul et même agent et l’effet des vibrations de ce fluide insaisissable qu’on a nommé l’éther, aujourd’hui une telle assertion, que le soleil est le seul combustible, la seule force, ne doit plus provoquer chez personne le sourire de l’incrédulité. Désormais tout combustible, toute force, ne doivent être considérés que comme une portion du calorique solaire. Qu’est-ce que la houille ? Du charbon fossile, et ce charbon n’a-t-il pas été fixé dans les plantes par la chaleur du soleil dont il n’est qu’un équivalent ? L’acide carbonique de l’air, à la faveur des radiations solaires, se décompose au contact des végétaux ; le carbone se fixe dans la plante, et l’oxygène retourne dans l’air se mêler à celui qui y est déjà et qui sert à la respiration des animaux. Donc, sans le soleil pas de végétation, sans végétation pas de carbone, sans carbone pas de houille. En brûlant, la houille restituera chaleur du soleil qui s’était emmagasinée en elle, et c’est pourquoi le grand ingénieur Robert Stephenson, créateur des premières voies ferrées en Angleterre, disait en voyant s’avancer une locomotive : « Ce n’est pas la houille qui anime cette machine, c’est la chaleur du soleil, qui a fixé le carbone dans la houille il y a des milliers de siècles ; les locomotives ne sont que les chevaux du soleil. » On