Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La paille, la sciure de bois, la laine, la plume, l’air confiné, sont des corps isolans qui conservent la chaleur. On pourrait entourer d’une double enveloppe de ce genre le réservoir contenant nos pierres chauffées au soleil, et l’on aurait un stock de chaleur solaire comme on a un stock de glace. Qu’il s’agisse de conserver le froid ou le chaud, le problème est le même. Or la glace se conserve très bien, même sur les navires qui par centaines de mille tonnes chaque année la transportent des États-Unis, notamment du port de Boston, à travers toutes les mers tropicales. L’Inde, l’Amérique du Sud, reçoivent ainsi leur provision de glace, qui leur arrive presque sans coulage. Un peu de sciure de bois et un bon arrimage font tout le miracle. Il en sera de même quand il s’agira d’emmagasiner et au besoin d’emporter au loin nos « boules de chaleur solaire. » Nous n’avons donné que l’embryon de l’idée ; soyez assuré qu’au jour voulu un savant paraîtra qui en trouvera tout de suite la forme pratique, le mode d’application industrielle. Après tout, qu’est-ce que la machine à vapeur moderne, si ce n’est, sous une forme appropriée, scientifique, la reproduction de ce vulgaire phénomène de cuisine que les ménagères connaissaient de toute antiquité, le couvercle de la marmite se soulevant sous la pression intérieure de la vapeur d’eau ?

Que si l’on objecte qu’il faudra peut-être, malgré tout, si jamais les applications de la chaleur solaire devaient entrer dans nos usages quotidiens, abandonner alors les contrées où la civilisation s’est aujourd’hui confinée, c’est-à-dire les régions tempérées, celles précisément où gisent les mines de houille, et faire un pas décisif vers les régions tropicales, nous répondrons que l’humanité a vu bien d’autres migrations et autrement importantes. La civilisation ne ferait que reprendre, en retournant aux pays du soleil, sa route vers son lieu d’origine. Ainsi aucune raison valable ne peut nous être opposée. Le soleil semble bien devoir être le combustible de demain, et l’on dirait que le grand encyclopédiste du moyen âge, Dante, le prévoyait, le jour où il s’écriait dans son incomparable poème : Guarda il calor del sol che si fa vino, regarde la chaleur du soleil qui se change en vin, comme s’il eût voulu dire : en tout ce qui est force, en tout ce qui est vie, en tout ce qui est lumière.


L. SIMONIN.