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que les infaillibilistes sont des sectaires. Il s’appuyait sur un roseau, le roseau s’est dérobé sous sa main. On affirme que sur 8 millions de catholiques à peine y a-t-il en Prusse plus de 6,000 vieux-catholiques pratiquans. Le pape avait frappé d’anathème les lois de mai 1873 ; on a tenté de faire signer une protestation contre son encyclique, on n’a guère recueilli qu’un millier de signatures. Les évêques refusaient de pourvoir aux cures vacantes dans les formes prescrites par le gouvernement ; en vertu d’une loi votée en 1874, les paroisses étaient autorisées à élire elles-mêmes leur curé, aucune n’a fait usage de ce droit. Des souscriptions ont couvert toutes les amendes infligées aux ecclésiastiques renitens, et ceux qui sortaient de prison ont été portés en triomphe.

Le concile de Rome avait été une cruelle épreuve pour l’épiscopat allemand. Après avoir fait une vive opposition au nouveau dogme, il s’était soumis ; on lui avait reproché son inconséquence et sa faiblesse, on avait attribué sa conduite à des motifs de crainte ou d’intérêt. M. de Bismarck s’est généreusement employé à le relever de son abaissement. — Prenez-y garde, disait l’abbé Maury, il n’est pas bon de faire des martyrs. — Un évêque persécuté n’est plus un évêque, on oublie qu’hier il s’est déjugé, qu’avant-hier il avait la main dans une intrigue ; il est devenu tout à coup le représentant auguste d’une liberté violée et d’un droit méconnu. Par votre faute, le discrédit s’attache à vos lois, et l’honneur à la désobéissance ; vous avez grandi vos ennemis, et vous voyez sans cesse se redresser devant vous des fronts que votre injustice a couronnés. Passe encore si vous étiez sûrs de réussir ; mais à la lutte des intérêts et des idées s’est joint le conflit des orgueils. Qui aura le dernier ? « La passion politique est forte, dit M. Geffcken, qui n’est pas suspect de tendresse pour l’ultramontanisme, la passion ecclésiastique est plus forte encore, et aucune puissance ne commande à autant de passions nonnes ou mauvaises que la hiérarchie catholique. De temps à autre, les feuilles libérales annoncent que les esprits s’apaisent, que le clergé est sur le point de céder, et chaque fois il faut revenir de son illusion. Non-seulement on n’a rien obtenu, mais on a fait le contraire de ce qu’on voulait faire. On a fourni aux évêques prussiens l’occasion de prouver que leurs intérêts temporels n’avaient été pour rien dans leur soumission aux décisions du concile, dans ce sacrificio dell’ intelletto qu’on leur reprochait et qui avait endommagé leur crédit. On espérait détacher le clergé inférieur de l’épiscopat, il lui est demeuré fidèle. On voulait émanciper les laïques, ils forment aujourd’hui une phalange serrée, commandée par ces chefs contre lesquels on se proposait de les insurger. Il est impossible que le gouvernement reste longtemps en guerre avec le tiers de la population, et l’on ne voit aucun moyen de briser une résistance passive organisée par le fanatisme. Quand une loi serait juste, qu’est-ce donc pour un homme d’état