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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/245

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améliorations matérielles dans l’Amérique du Sud, depuis son indépendance, est plus utile, plus nécessaire, que celle des guerres dont elle a été le théâtre, et qui ont à peine produit autre chose que des libertés sur le papier, des gloires vaines et stériles, des progrès de parade au milieu desquels n’en a pas moins continué à subsister le statu quo.

« La révolution qu’il fallait décrire de préférence est celle qui a transformé des colonies pauvres, obscures, isolées du monde, il n’y a pas encore deux tiers de siècle, en vastes marchés internationaux ouverts à tous les peuples de la terre. Voilà le sens dans lequel l’histoire tend ou doit tendre à se réformer de nos jours, parce qu’elle a été partout atteinte du même défaut et s’est égarée dans les mêmes sentiers, avec les mêmes pernicieuses conséquences pour l’amélioration sociale. « Si nous nous rappelons, dit M. Herbert Spencer, que l’histoire est pleine des actions des rois, pendant que les phénomènes de la vie industrielle, pourtant si visibles, n’ont pu que tout récemment attirer un peu l’attention, si nous nous rappelons que toutes les pensées, que tous les regards sont pour les gouvernemens et leurs actes, et que, jusqu’à ces derniers temps, il n’y avait ni regards, ni pensées pour les manifestations vitales de la coopération spontanée auxquelles les nations doivent de vivre, de grandir, de progresser, nous ne pouvons laisser d’apercevoir combien on a du se tromper dans les conclusions qu’on a tirées pour les questions sociales de l’histoire ainsi faites. Eh bien ! ce sont ces questions qui intéressent le plus l’Amérique du Sud et qui ont le plus d’importance pour ses destinées, puisqu’il s’y agit de la peupler, d’explorer ses déserts, d’exploiter les richesses de son sol, d’y multiplier les voies et les moyens de communication de toute espèce. Voilà les vraies questions vitales pour l’Amérique du Sud, l’immigration, la colonisation, l’enseignement public, des chemins, des ports, du travail, du commerce, de la richesse et du crédit. »

Tel est donc l’esprit du livre de M. Alberdi ; tels sont les enseignemens qu’il s’est proposé d’y rattacher au nom de M. Wheelwright et à l’histoire de ses entreprises. Ce n’est point de la statistique, c’est à peine de la politique ; c’est plutôt de la philosophie sociale, la glorification passionnée des œuvres de la paix dans l’intérêt de la moitié d’un vaste continent où il y a encore tant à faire, intérêt étroitement uni d’ailleurs avec celui de la vieille Europe, disons plus, inséparable des intérêts généraux de l’humanité. Quoique sobre de détails et de chiffres ; ce tableau des efforts d’un seul homme pour l’accomplissement de vastes projets qui soulevaient tant de questions difficiles et touchaient à tant d’intérêts, a quelquefois un caractère dramatique. Tout ce que les entreprises de M. Wheelwright lui ont coûté de luttes et de persévérance fait penser à chaque page aux obstacles de tout genre qu’a du vaincre pour son œuvre le créateur du canal de Suez, nature plus brillante, esprit plus entraînant, mais qui n’a pas eu besoin d’une conviction plus