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rumeur publique transformait les pueblos en villes magnifiques. Quelques aventuriers qui s’étaient avancés jusqu’au fond de la Mer-Vermeille en revinrent sans avoir rien rencontré qui valût la peine d’être pris. Depuis lors les Apaches et les Pueblos ont vécu tranquilles jusqu’à l’époque où les pionniers américains sont venus à leur tour, par un autre chemin, envahir leur territoire.

Sur le plateau du Mexique et dans les provinces tropicales qui viennent à la suite, l’histoire des indigènes est tout autre. Fernand Cortez y trouva un puissant empire ou plutôt une sorte de confédération dont les Aztèques, établis à Mexico, étaient les maîtres. Autant qu’on en peut juger, l’état social des Aztèques n’était pas trop inférieur à celui des Espagnols eux-mêmes, sauf qu’ils étaient plus cruels. Ils avaient des monumens, des lois écrites, une organisation politique assez complexe. Tout cela fut anéanti. Par esprit de prosélytisme, les hommes de race blanche auraient voulu détruire jusqu’au souvenir de ce que les indigènes avaient été dans les temps passés. Le sort des vaincus dépendit alors de la situation qu’ils occupaient vis-à-vis de leurs conquérans. Ceux des villes adoptèrent les mœurs et les idées européennes ; ils se transformèrent en hommes civilisés. Les autres, qui vivaient à l’écart dans les provinces, rétrogradèrent au contraire vers la barbarie. C’est ainsi que l’on voit aujourd’hui dans la république mexicaine des peuplades tout à fait sauvages en même temps que des Indiens qui ne sont inférieurs en rien aux émigrés de l’Ancien-Monde. La population native a diminué, mais en somme elle n’a pas été écrasée comme cela s’est fait dans le nord du continent. Est-ce parce qu’elle était plus sociable, ou parce que les Espagnols furent plus tolérans pour elle que les Anglo-Saxons ? Ces deux causes y ont sans doute contribué l’une et l’autre.

En résumé, dans ce trajet à vol d’oiseau du détroit de Behring à l’isthme de Panama, on aperçoit des populations bien diverses par les caractères physiques autant que par les aptitudes intellectuelles. Il convient de laisser à part les Esquimaux, qui, tout l’indique, sont de race exotique et proches parens de leurs voisins du Kamtschatka ou du Groenland. Ceux-ci mis de côté, il faut encore admettre qu’il n’y a rien de commun entre les natifs grossiers de la Californie ou les Peaux-Rouges des états du centre, et les tribus plus policées que l’on rencontre au sud, voire les habitans du Nouveau-Mexique et certaines peuplades du nord-est. En y regardant de plus près, on est encore forcé d’établir des distinctions entre des peuples parvenus au même degré de civilisation. Par exemple, une étude attentive ne permet pas de confondre les Aztèques et les Pueblos ; à défaut d’autres indications, le langage suffirait à prouver qu’ils n’ont rien de commun. Tout voyageur européen qui visite pour la première fois un