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autres. S’ils furent contemporains ou successifs, la science archéologique est encore impuissante à le démontrer. L’Amérique du Sud, moins connue jusqu’à ce jour, ne fera sans doute que compliquer la question lorsqu’on l’aura mieux étudiée. Ce que l’on sait déjà des anciens Péruviens dénote un état social analogue à celui des Mayas, quoiqu’en réalité dissemblable par les détails. Ainsi les habitans du Pérou étaient mieux approvisionnés en métaux utiles ou précieux, même une tribu connaissait le fer. Leurs monumens, les poteries, les bijoux, les armes que l’on en retire ne rappellent guère les objets similaires du Yucatan. Les Incas se distinguent notamment de leurs compatriotes du nord par la construction de grandes routes qui franchissent les ravins sur des remblais entre deux murs de maçonnerie et les fleuves au moyen de ponts suspendus. Prétendra-t-on que tous ces peuples sortirent d’une souche unique ? Alors il faudrait admettre qu’ils se dispersèrent au temps où ils étaient encore sauvages. Ni leur architecture ni leur langage, ni leurs traditions ni leur mythologie n’indiquent une origine commune. Au surplus, on serait encore embarrassé d’éclaircir le mystère de cette origine. Les hypothèses auxquelles les savans se sont livrés sont toutes insuffisantes par quelque point.


III

Aux premières nouvelles de la découverte d’un nouveau monde, philosophes et théologiens se trouvèrent bien perplexes. Les doctrines de l’Écriture étaient-elles donc en défaut ? Cette Amérique qui surgissait tout à coup du néant pour ainsi dire, peuplée de races étranges dont personne ne comprenait la langue, couverte de plantes et d’animaux que l’on n’avait jamais vus ailleurs, ne venait-selle pas contredire les idées reçues ? Et si l’on voulait à toute force que cette autre création fût identique avec celle de l’ancien monde, comment et à quelle époque les espèces vivantes avaient-elles franchi l’océan ? Les mêmes problèmes se posent aujourd’hui avec plus d’indépendance d’esprit, mais non avec une moindre obscurité. C’est par d’autres moyens, il est vrai, que l’on en recherche la solution, car il n’est personne qui ne sourirait maintenant en entendant dire que Noé, par la grande expérience de l’art naval qu’il avait acquise à l’époque du déluge, fût capable de construire des vaisseaux de gros tonnage, et d’envoyer quelques-uns de ses petits-enfans au-delà de l’Atlantique.

Avouons d’abord que les légendes populaires sont ici d’un faible secours. La raison en est simple : ceux qui les recueillirent les premiers, après la conquête, pour les transcrire dans une langue