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défenseurs convaincus. Il en est même qui ont prétendu reconnaître dans les annales chinoises la mention de voyages effectués entre l’Asie et le Nouveau-Monde longtemps avant Christophe Colomb.

Li-Yan, historien chinois, qui vivait au VIIe siècle de notre ère, parle d’un pays nommé Fou-Sang, situé à 40,000 li de la Chine vers l’Orient. Un prêtre bouddhiste de Samarcande y avait été et en était revenu. Il semblerait même que les voyages entre le Fou-Sang et la Chine étaient fréquens. Ce que la chronique en raconte s’accorde peu, il est vrai, avec ce que nous connaissons de la côte occidentale de l’Amérique ; elle parle de chevaux, il n’y en avait point dans le Nouveau-Monde avant l’arrivée des Espagnols. Ces voyageurs asiatiques auraient propagé le bouddhisme dans les contrées qu’ils avaient découvertes ; or on ne retrouve rien d’analogue en Californie ou dans l’Orégon, et les analogies que Humboldt croyait découvrir entre les monumens du Mexique et ceux de l’Inde ou du Thibet sont au moins douteuses.

Qu’il y ait eu des communications même fréquentes entre le Japon et l’Amérique avant les temps modernes, personne n’oserait le nier, car le hasard seul pousse souvent les barques japonaises jusqu’aux rivages de la Californie. M. Bancroft rapporte, d’après un observateur consciencieux, que depuis 1852, c’est-à-dire depuis que la Californie est colonisée par la race blanche, on a recueilli vingt-huit navires asiatiques sur ce littoral, dont douze seulement étaient vides. Le courant froid qui sort de l’Océan-Arctique par le détroit de Behring ramène vers le continent américain toutes les barques égarées dans le Pacifique. Nous ne refuserons donc pas d’admettre que des naufragés chinois ou japonais ont été jetés par les vents sur les côtes du Nouveau-Monde, qu’ils y ont apporté leur industrie, leurs idées religieuses, quelques mots de leur langage, et même que certains d’entre eux ont eu plus tard la chance de retourner dans leur pays d’origine, mais que cette émigration accidentelle ait eu une influence sensible sur la civilisation des contrées, telles que le Mexique, le Yucatan, le Pérou, situées bien plus au sud, c’est ce que rien ne démontre. Admettons que les bouddhistes ont connu la Californie, de même que les Islandais ou les Irlandais visitèrent le Canada avant Christophe Colomb, que l’on découvrira peut-être quelques vestiges de leur passage, cela ne suffit pas à expliquer l’origine des monumens de Copan ou de Palenqué.

Il faudrait retrouver les traces d’une migration en masse comparable à celle qui pousse les Européens vers l’Occident depuis trois cents ans, ou bien encore à celles si nombreuses qui ont renouvelé la face de l’Europe au commencement de l’ère chrétienne. Dans les temps de barbarie, les migrations de ce genre ne