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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/442

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sophe l’obligation de mettre en œuvre toutes les ressources de son esprit, afin de s’élever à une théorie digne d’un tel sujet. »

La première question qui se pose lorsqu’on aborde le problème de la constitution physique du soleil, c’est évidemment celle-ci : le globe solaire est-il solide, liquide ou gazeux ? Bien avant l’invention de l’analyse spectrale, Arago avait indiqué un moyen de connaître l’état physique d’un corps par certaines propriétés de la lumière qu’il émet ; ce moyen est fourni par la coloration de la lumière polarisée. En examinant à l’aide de son polariscope les radiations d’un boulet chauffé à blanc, d’un bain de fonte liquide et d’une flamme de gaz d’éclairage, l’illustre physicien avait constaté que les corps incandescens, solides ou liquides, émettent toujours de la lumière polarisée sous des incidences obliques, tandis que les flammes ne présentent que de la lumière naturelle. Or la lumière qui vient des bords du soleil ne donne aucune trace de polarisation, pas plus que celle qui vient du centre. Arago conclut de son expérience que la photosphère est formée par des gaz incandescens.

Mais voilà qu’après le polariscope est venu le spectroscope, qui à son tour affiche la prétention de nous renseigner sur l’état physique des corps lumineux. On admet aujourd’hui que les gaz incandescens fournissent des spectres discontinus, composés de raies brillantes, tandis que les corps liquides ou solides, portés à l’incandescence, donnent des spectres continus. Les nébuleuses proprement dites offrent des spectres de la première espèce, qui prouvent qu’elles sont à l’état gazeux ; au contraire, le spectre du soleil est un ruban continu ; preuve évidente, semble-t-il, que la lumière qui le fournit émane d’un corps liquide ou solide. Ce spectre, à la vérité, est sillonné d’une multitude de fines raies noires, mais nous savons que ce sont des raies d’absorption dues à une atmosphère de vapeurs métalliques qui enveloppe la source lumineuse.

Comment concilier ces deux résultats opposés ? La contradiction heureusement n’est qu’apparente. Les flammes de gaz examinées par Arago doivent leur lumière à des particules solides incandescentes qu’elles tiennent en suspension, et le spectre de ces poussières qui brûlent est en réalité continu. Ce n’est pas tout. Deux chimistes de grand mérite, M. Frankland en Angleterre, M. Cailletet en France, soutiennent que les gaz eux-mêmes donnent des spectres continus lorsqu’ils sont soumis à de fortes pressions. En faisant passer l’étincelle électrique dans des tubes contenant de l’azote ou de l’hydrogène comprimé, M. Cailletet a vu les raies s’élargir à mesure qu’il élevait la pression ; vers 50 atmosphères, le spectre devenait continu et tellement brillant qu’une étincelle d’un tiers de millimètre éclairait tout le laboratoire. Or il est à supposer que les pressions qui se manifestent au niveau de la photosphère