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titres, n’en a pas eu de plus précieux que d’avoir été dans la première moitié de sa carrière le médecin de la jeune duchesse de Kent, dans la seconde le conseiller de la reine d’Angleterre. Médecin, il avait veillé sur le berceau de la reine future ; confident et ami dévoué, il a veillé plus tard sur son trône. Le double titre de nos études résumera le double titre de Stockmar, il expliquera en même temps le caractère de cette existence dont l’activité occulte a exercé sur l’Europe une influence incontestable.


I

Pendant l’automne de 1830, une partie de la haute société anglaise était réunie aux bains de mer de Brighton, le brillant port aristocratique où le souverain, comme son prédécesseur, occupait le singulier édifice qu’on nomme le Pavillon. Ce souverain, c’était l’ancien duc de Clarence, le troisième fils de Georges III, le deuxième frère puîné de George IV, devenu roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume IV le 26 juin de la même année[1]. Le 1er octobre 1830, la princesse de Liéven, femme de l’ambassadeur de Russie, écrivit de Brighton au prince Léopold, qui se trouvait alors à Claremont avec sa sœur la duchesse de Kent et sa nièce la jeune princesse Victoria : « Ah ! monseigneur, que de mauvaises nouvelles depuis la dernière lettre que j’eus l’honneur d’écrire à votre altesse royale ! Je dînais avant-hier au Pavillon. Le duc de Wellington y vint très calme, très assuré que les affaires belges devaient être terminées, que Bruxelles devait s’être soumis. Après le dîner arriva un courrier de Londres portant la nouvelle que l’armée du roi s’était retirée. Il en fut accablé, attéré : « diablement mauvaise affaire ! » Les mêmes

  1. Nous nous empressons de rectifier ici une erreur qu’un moment de distraction nous a fait commettre dans l’étude publiée le 1er mars. Le duc de Kent n’était pas le cinquième fils de Georges III, il était le quatrième. — L’aîné des quatorze enfans du vieux roi est le prince de Galles, régent en 1811, roi d’Angleterre en 1820 sous le nom de George IV ; le second est le duc d’York, mort le 5 janvier 1827 ; le troisième est le duc de Clarence, devenu roi en 1830 sous le nom de Guillaume IV. Tous les trois sont morts sans enfans. Le quatrième des fils de George III, le duc de Kent, était mort le premier de tous ; il avait même précédé son vieux père de quelques jours (23 janvier — 29 janvier 1820), laissant une petite fille âgée de huit mois, qui devait succéder en 1837 à son oncle Guillaume IV et s’appeler la reine Victoria. Le cinquième, le duc de Cumberland, devint roi de Hanovre en 1837, lorsque l’avènement de sa nièce eut détaché ce pays, comme fief masculin, du domaine de la couronne d’Angleterre. Le sixième est le duc de Sussex. Quant au duc de Cambridge, nommé par inadvertance avant le duc de Kent, il n’arrive en réalité que le septième. — C’est dans la série des mariages auxquels donna lieu en 1818 la mort prématurée de la princesse Charlotte que le duc de Cambridge précédait le duc de Kent ; le duc de Cambridge s’était marié le 7 mai, le duc de Kent le 11 juillet. De là, par suite d’une confusion de listes, la méprise que nous tenons à corriger.