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souvenir de plus que, si les Basques ont eu le malheur de suivre don Carlos, ils n’ont pris réellement les armes que lorsque l’Espagne tombait dans l’anarchie. Tant que l’ancien gouvernement a existé, tant que la reine Isabelle a été à Madrid, les provinces du nord sont restées toujours fidèles, elles ne se sont jamais insurgées même dans les crises révolutionnaires qui se sont succédé depuis 1860. Sous un régime régulier, elles n’ont jamais été un embarras. Le problème consisterait à ne plus laisser subsister ce qui est devenu une anomalie trop criante, l’exemption du recrutement et des impôts, et à maintenir une assez large autonomie de gouvernement local. C’est peut-être au fond la pensée du président du conseil, qui, dès le premier instant, n’a point hésité à témoigner l’intention d’abroger tout ce qui est contraire à l’unité nationale et constitutionnelle, mais qui s’étudie visiblement à ne rien brusquer. Disposé à ne point transiger sur l’essentiel, il sent en même temps le danger d’une réforme trop absolue, trop radicale, qui aliénerait les Basques et laisserait dans les provinces du nord des fermens redoutables. Le mieux serait sans doute de ne pas trop ajourner la solution d’une question qui touche aux sentimens les plus profonds et les plus vifs de toute une population.

Une autre difficulté qui pèse lourdement sur le cabinet de Madrid, c’est celle des finances et du crédit. Le ministre, M. Salaverria, s’est chargé de porter devant les cortès le triste exposé de la situation financière. L’Espagne peut voir aujourd’hui sous la forme inexorable des chiffres officiels ce que coûtent les révolutions. La dette portée à un capital de plus de 10 milliards et à un intérêt annuel de plus de 350 millions, les élémens de la fortune publique diminués, l’état atteint dans ses ressources permanentes par l’aliénation des mines les plus productives, l’arriéré dans tous les services, le trésor réduit à une véritable suspension de paiemens, puisque cinq coupons de la dette sont en retard, ce n’est là qu’un résumé sommaire de ce cruel bilan. M. Salaverria tranche courageusement dans le vif ; il ne propose pas seulement d’élever certaines contributions, de maintenir les surtaxes établies pendant la guerre, il va droit au point délicat, qui est celui de la dette. M. Salaverria se fait, il est vrai, un point d’honneur de ne pas toucher au capital de la dette, mais il se rattrape sur les intérêts, qui seront réduits à partir de 1877. Ce n’est que bien plus tard que l’intérêt se relèvera, et en attendant cette diminution sera compensée par un amortissement progressif qui améliorera la situation des créanciers. Au demeurant, cet exposé n’a contenté personne, et toutes ces combinaisons, nécessaires peut-être, mais assurément peu flatteuses, assez compliquées, ne peuvent devenir définitives qu’après les négociations qu’on va ouvrir avec les créanciers étrangers. Le gouvernement espagnol a une liquidation pénible à poursuivre, il doit la faire sans reculer devant les sacrifices. Quand on a laissé s’accomplir les événemens, il faut les payer.