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pièces nouvelles, et véritablement extraordinaires, ne sont pas rares aujourd’hui dans les collections ? publiques. Au centre du champ couvert par les mots arabes, on aperçoit une très petite croix. Il existe même quelques monnaies : d’argent à ce type, mais elles sont moins nombreuses que l’es besans d’or. Voici les légendes qu’on retrouve avec de très faibles variantes sur-beaucoup d’entre ceux-ci : frappé à Acre Van douze cent cinquante et… de l’incarnation du Messie, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Dieu unique ; puis sur la face opposée : à la gloire de la croix de Nôtre-Seigneur Jésus, le Messie, d’où nous vient notre salut, notre vie et notre résurrection, et qui nous a délivrés et nous a pardonnés, ou bien encore : un Dieu, une foi, un baptême, et de l’autre côté : gloire, à Dieu de siècle en siècle, le Père, le Fils, le Saint-Esprit, Dieu unique. Ces dernières monnaies paraissent avoir été toutes frappées à Saint-Jean d’Acre, et, chose curieuse, elles portent presque toutes comme dates les années 1251 à 1255, qui correspondent au séjour de saint Louis dans cette ville. M. Lavoix en conclut que ce fut très probablement le roi saint Louis qui imposa à l’atelier de Ptolemaïs cette réforme, et que ce fut alors qu’on inscrivit en arabe sur la monnaie ces formules de la loi qui en faisaient une monnaie chrétienne sous un type purement musulman. C’était bien toujours une concession aux nécessités des transactions internationales, mais du moins il n’y avait plus sacrilège évident.

N’est-il pas étrange que cette monnaie d’or des croisés, qu’on ne pouvait parvenir à découvrir et qui cependant avait été émise par eux durant des siècles, se cachât précisément sous cette physionomie arabe, sous ces pieuses légendes da Koran, derrière lesquelles ceux que préoccupait outre mesure le caractère religieux des principautés franques d’outre-mer auraient bien peu songé à l’aller chercher ?


III

A l’histoire des principautés de terre-sainte se lie intimement celle du royaume chrétien de Petite-Arménie, qui comprenait l’ancienne province de Cilicie. Sa frontière orientale se confondait avec celle des terres franques et s’étendait jusqu’à une faible distance de cette vallée de l’Oronte, alors fertile et populeuse, où s’élevait, entourée de sa haute et magnifique ceinture de tours et de murailles, la grande cité latine d’Antioche. L’histoire de ce royaume d’Arménie, de cette petite souveraineté chrétienne du moyen âge, d’abord blottie dans les profondes vallées de l’âpre chaîne du Taurus, puis s’étendant peu à peu jusqu’aux rivages du golfe de Cilicie, est certes une des plus curieuses. Les Arméniens, établis en ces