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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/597

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pèlerins. Il prétendit commander seul l’armée au nom du chef de la chrétienté, et reléguer au second rang l’autorité du roi de Jérusalem. Les relations s’envenimèrent rapidement entre les partisans de ces deux hommes, et Jean de Brienne quitta l’armée abandonnant sa nouvelle seigneurie africaine dès la fin de l’année 1220. Sa retraite fut fatale à l’armée des croisés. Il revint, il est vrai, l’année suivante à Damiette, lorsque Pelage, demeuré seul chef réel de l’armée, eut amené par sa soif de commandement une situation impossible entre lui et la noblesse qui refusait de lui obéir ; mais tant de dissensions avaient singulièrement compromis le succès de la croisade. Les Arabes avaient de toutes parts repris l’offensive, et dès le mois de septembre les croisés, menacés d’une destruction complète par les eaux du Nil débordé, remettaient Damiette aux mains du sultan d’Égypte, qui leur octroyait en échange un morceau de la vraie croix, une trêve de huit années et la liberté des captifs. De ce règne éphémère du chevaleresque Jean de Brienne, futur empereur latin de Constantinople, sur cette terre d’Égypte si souvent trempée du sang des croisés, il nous reste une petite pièce de billon portant la tête couronnée du roi Jean, avec ces mots en latin : Jean, roi, et au revers : Damiette. Cette monnaie sera toujours fort rare ; elle ne dut en effet être forgée que durant ce court intervalle où Damiette demeura aux mains du roi Jean. C’est la seule monnaie d’origine franque qui ait jamais été frappée au temps des croisades sur la vieille terre des Pharaons.

Outre les séries monétaires des quatre grandes baronnies de la croisade, Jérusalem, Antioche, Edesse et Tripoli, on connaît encore des pièces de cuivre et de billon frappées par des seigneurs croisés dans un certain nombre de fiefs secondaires. Le droit de monnayage était un privilège infiniment trop important pour n’avoir pas attiré, dès le début de leur établissement en Orient, l’attention des chefs croisés. Aussi, lorsque immédiatement après la conquête de Jérusalem ils songèrent à poser les bases légales suivant lesquelles, devaient se constituer leurs nouvelles principautés, lorsqu’ils voulurent donner des lois et des coutumes à ces royaumes qu’ils venaient de conquérir, ils n’oublièrent pas le droit de monnayage et se gardèrent de l’octroyer seulement aux quatre grandes baronnies. Les assises de Jérusalem nous donnent le nom de tous les feudataires du royaume de Palestine qui furent investis du droit de frapper monnaie. La liste en est longue et contient plus de vingt noms. On ne possède malheureusement encore que bien peu de monnaies de ces seigneuries secondaires, qu’il serait si intéressant d’étudier et de connaître. Cependant, malgré la négligence qu’on met à récolter ces pièces dont tout l’intérêt réside dans leur valeur historique, il ne se passe pas d’année sans qu’un heureux hasard n’en fasse