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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/600

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Baudouin y alla en 1116 à la tête de ses troupes, et les chevaux des barons français se baignèrent dans ces flots inconnus. Guillaume de Tyr nous a dépeint l’effroi et la stupeur « des estranges gens de cette estrange terre à la vue des cavaliers d’Occident venus si loin et apparaissant tout à coup à leurs yeux effarés. » Les croisés occupèrent légalement vers cette époque l’île de Graye, dans le golfe Elanitique, bifurcation orientale de la Mer-Rouge, île séparée seulement d’Ela par un bras de mer de peu de largeur ; « ce rocher presque désert est aujourd’hui encore couvert de ruines franques et sarrasines. Le pèlerin Thetmar visita cette île en 1217, quand elle était depuis longtemps retombée au pouvoir des musulmans ; il y vit des constructions et un château dont les habitans étaient en partie chrétiens, en partie sarrasins ; les Sarrasins étaient des geôliers, les chrétiens des captifs, francs, anglais et latins, tous pécheurs du soudan de Babylone. »

Parmi les baronnies d’outre-mer énumérées par les assises comme ayant droit de monnayage et dont on possède aujourd’hui quelques rares deniers, il faut citer en première ligne celle de Beyrouth, ou Baruth, l’antique Béryte des Phéniciens. On a retrouvé les deniers de Jean d’Ibelin, sire de Baruth, un des membres les plus illustres de cette famille célèbre et puissante entre toutes celles de terre-sainte, qui posséda à la fois les fiefs d’Ibelin, d’Azur, de Jaffa, de Rame ou Ramleh et la grande ville de Beyrouth. C’est lui que son neveu et son homonyme Jean d’Ibelin, le brillant auteur de la première collection écrite des assises de Jérusalem, désigne sous le nom de « mon vieil oncle le sire de Baruth. » C’est lui que Philippe de Navarre appelle le beau et bon parleur. En Syrie, il était connu de tous sous le nom de vieux sire de Baruth, et c’est lui que nous voyons jouer un rôle si considérable dans les événemens dont la Syrie fut Le théâtre pendant tout le premier tiers du XIIIe siècle et principalement dans la célèbre guerre dite des Lombards.

On connaît également un rarissime denier des comtes de Jaffe et d’Ascalon. Jaffe était l’ancien nom de Jaffa, le port actuel où débarquent les pèlerins de Jérusalem et qui de tout temps, au moyen âge, eut une importance considérable. On possède aussi des monnaies à légendes latines frappées par Tancrède comme prince de Tabarieh ou Tibériade, le même que nous avons vu frappant monnaie grecque à Antioche. On a retrouvé des pièces de cuivre frappées à Saint-Jean-d’Acre par ce comte Henri de Champagne qui fut pendant quelque temps roi titulaire de Jérusalem, mais qui refusa constamment d’en prendre le titre fit ne voulut jamais être couronné, tant il avait le désir de retourner dans sa chère Champagne. Sur ses pièces d’Acre, qui portent une grande fleur de lys, il s’intitule simplement le comte Henri. Les monnaies frappées par