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trêve avec la principauté et lui céder le territoire de Grahovo et de Jupa.

En 1858, les raïas de la partie nord de la Bosnie, ceux qui peuplent les régions que nous avons parcourues dans la première partie de notre récit, se soulevèrent à leur tour, réclamant purement et simplement l’exécution du hatti-houmaïoum de 1856, qui n’était lui-même que la réédition de celui de 1852 promulgué par Omer-Pacha. A la suite d’une insurrection nouvelle en 1862, la dernière qui ait pris de graves proportions, de nouvelles concessions furent accordées, de nouvelles promesses furent faites aux représentans des cabinets européens et à l’internonce de l’empereur d’Autriche ; les rescrits impériaux promulgués, connus sous le nom de hatti-schérifs, furent même confiés, pour l’exécution, aux soins de commissions permanentes ; mais il suffit de lire la note du comte Andrassy, communiquée le 30 décembre dernier au gouvernement ottoman, pour se convaincre de l’inanité de ces mesures. Toute réforme décrétée depuis 1852 a donc été vaine dans la pratique : la haine entre les raïas et les musulmans est restée aussi profonde, les exactions ont été aussi nombreuses et les percepteurs de l’impôt, fermiers ou propriétaires, aussi âpres que par le passé. Hilferding Federovic, consul de Russie en Bosnie, a signalé dans un journal de Moscou, Ruskaya Bésieda, le fait qui s’est passé dans ces dernières années à Bok, et qui tendrait à faire croire que les récits d’origine slave, dont on a raison de douter, car ils sont souvent empreints d’une grande exagération, ne sont cependant pas toujours de tous points mensongers. A Gradasac, dans le village de Bok, Rauf-Beg exigeait d’un de ses colons le paiement en espèces de l’impôt la tretina ; Jean Kosic offrait de se libérer en nature comme le comporte la loi, se fondant sur son extrême pauvreté ; Rauf le fit saisir, lui et cinq autres chrétiens qui vivaient sur le même champ, on les suspendit au plafond de la cabane, et on alluma sous leurs pieds un grand feu de paille de maïs. Les six raïas ne furent rendus à la liberté qu’à moitié asphyxiés, après que la douleur leur eut arraché la promesse de donner tout ce qu’ils possédaient.

Il n’y a pas à entrer dans le détail des faits, mais il reste évident que la dernière insurrection, celle qui a éclaté dans les premiers jours de juillet 1875 dans les districts de Stolatz et de Névésinge, qui du 15 au 16 août a gagné la Bosnie et vient de se prononcer en Bulgarie, est due aux exactions des percepteurs de l’impôt. On a beaucoup parlé, au sujet de ces événemens, des excitations venues du dehors, des sourdes menées de la Servie et du Monténégro, des ramifications du soulèvement avec les chefs des partis révolutionnaires qui se mettent en Europe au service de toute rébellion, et du désir légitime des Slaves du sud d’arriver à