Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/612

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’indépendance par l’autonomie de la Bosnie et de l’Herzégovine. Il serait puéril de nier que ceux qui voient les choses de plus haut que le pauvre raïa l’ont poussé en avant et ont du exploiter sa misère en faveur de la « grande idée ; » d’autres projets souterrains, des menées ambitieuses d’une nature différente ont aussi contribué à entretenir l’agitation ; mais, en jetant un coup d’œil sur la liste des impôts exigés des colons de Bosnie, on se résoudra facilement à voir dans la plupart des soldats de l’insurrection un colon chrétien qui, réduit à mourir sur un sol fertile à cause de l’avidité du possesseur, aime mieux tomber en homme, champion d’une rébellion légitime, à laquelle sa bannière religieuse sert de drapeau et dont le chef est son propre pasteur. Ce point de vue tout sincère n’empêchera pas, le moment venu, de constater avec impartialité la part que les étrangers ont pu prendre à la rébellion et le caractère particulier de rapine que la présence de. certains chefs et le concours de sauvages aventuriers ont donne à l’insurrection de 1875 sur quelques points, semant ainsi le doute sur ses causes véritables, sur son but réel et sur la légitimité de son origine, compromettant par conséquent la cause du raïa, que tous les cabinets de l’Europe ont embrassée avec une certaine ardeur et avec une décision manifeste d’obtenir dans la pratique les réformes concédées depuis si longtemps en théorie.


II. — LES IMPÔTS. — LES FERMIERS. — LEURS EXACTIONS.

Il existe dans le Koran une prescription qui détermine l’infériorité de l’islam comme institution politique. « Il faut, dit le livre sacré, que la terre même devienne musulmane, dût-elle continuer à être le séjour des infidèles. » La loi a déjà condamné le chrétien à une condition sociale équivalant à une servitude, elle le condamne encore à la pauvreté en lui interdisant la propriété. Sans tenir compte des quelques exceptions qu’on pourrait signaler et qui sont le résultat de concessions faites dans ces derniers temps, on peut dire que la presque totalité des terres qui n’appartiennent pas à l’état ou aux mosquées sont entre les mains des musulmans. L’industrie étant absolument nulle, le raïa des deux rites est agriculteur et colon, et comme tel il ne peut vivre de la terre qu’il cultive qu’à une seule condition, c’est que la somme des impôts qu’il paie à l’état et les redevances que perçoit le propriétaire du sol ne soient pas supérieures à la somme qu’il recueille de son travail.

Au moment précis où a éclaté l’insurrection des provinces, c’est-à-dire en 1875, quels étaient les impôts et redevances exigibles ?

L’haràc, devenu askeriga ou bédélat askarie, est le plus ancien de tous les impôts, c’est le tribut basé sur l’exemption du service