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princesse d’Orléans. Ai-je besoin de dire que ce diplomate était M. de Talleyrand en personne ? Les notes de Stockmar, si on les lit avec précaution, éclairent assez vivement ce singulier épisode. Le seul tort de Stockmar, comme celui de sir Henry Bulwer dans sa Vie de lord Palmerston, est d’avoir imputé au gouvernement du roi Louis-Philippe ce qui était l’œuvre particulière et hardiment incorrecte de son représentant à la cour d’Angleterre. Cela dit, écoutons-le. Son rapport au roi Léopold, daté du 2 septembre, est conçu en ces termes :


« Je viens de chez Bulow, l’ambassadeur de Prusse. Voici, en résumé, ce qu’il y a d’essentiel dans ses déclarations.

« Premièrement, Talleyrand lui parle jour et nuit d’un partage de la Belgique et s’efforce de le persuader que, si la France, la Prusse et la Hollande s’entendent à ce sujet, il sera facile d’obtenir l’assentiment de l’Angleterre en déclarant ports libres les villes d’Ostende et d’Anvers. Bulow lui a toujours répondu jusqu’à présent que la Prusse ne pouvait entrer dans cet ordre d’idées, parce que l’arrangement d’une Belgique indépendante et neutre lui paraissait la meilleure politique. (En effet, lord Grey m’a dit que Bulow lui avait montré la dépêche adressée à Berlin, et que cette dépêche se prononçait contre le partage en termes tels, que lui-même, lord Grey, n’aurait pu rien dire de plus fort.)

« Secondement Bulow m’a dit qu’il conseillait de conclure sans retard le traité de paix entre la Hollande et la Belgique, car aussi longtemps que ce traité n’existerait pas, la guerre générale serait vraisemblable et toutes les combinaisons demeureraient ouvertes. Voilà ce que m’a déclaré Bulow.

« Quant à ce qui concerne les sentimens de l’Angleterre, je suis disposé à croire que l’opinion publique, très occupée des affaires intérieures, se soucie assez peu du sort des Hollandais ; mais l’opposition est à cheval sur cette question, et ce n’est pas là un fait à dédaigner. Considérez aussi que toutes les idées de Wellington sur le côté militaire de la question sont d’un grand poids non-seulement pour le pays en général, mais auprès de lord Grey. À cela s’ajoute, chose étrange, que Talleyrand flatte Wellington de toutes les manières et exerce sur lui, à ce qu’on assure, une sérieuse influence. Que Falk (l’ambassadeur hollandais) dirige la politique du Times ou l’ait même achetée, il n’y a aucun doute à ce sujet. Il est également certain que les tories secondent Falk, ainsi que le roi de Hollande, par tous les moyens possibles et lui communiquent des informations de toute espèce.

« Maintenant je me permettrai d’exposer mes vues générales sur la présente situation des choses avec les conséquences pratiques les plus importantes qui en découlent.