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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/66

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trou ver son texte. Il le trouva enfin. Le voici en résumé : « Comme état neutre, nous n’avions pas besoin d’armée, notre politique aussi devait garder la neutralité, ne se montrer ni anglaise ni française. » Il accentua particulièrement cette phrase : « moi-même, je dissuaderais Léopold de se tourner vers l’Angleterre, s’il en avait le désir. » Il dit là-dessus de fort bonnes choses, et je ne pus m’empêcher de lui en faire mes complimens, ce qui lui rendit sur-le-champ sa bonne humeur. Il répéta plusieurs fois : « Je suis attaché de tout mon cœur à la paix, c’est pour cela que la question belge me préoccupe si fort. » Il ajouta que l’enrôlement d’officiers français dans l’armée belge lui était particulièrement désagréable. Je fis alors la proposition que j’avais déjà faite à Palmerston. Il répondit vivement : « Nous parlerons de cela une autre fois. Ne partez pas sans revenir me voir. Dites mille choses de ma part au roi, dites-lui combien je souhaite son bonheur, son succès. »


Voilà un langage ami, mais les actes répondent-ils aux paroles ? Stockmar est en proie à des perplexités cruelles : il aime l’Angleterre et il ne peut s’y fier ; il déteste la France, et c’est de la France seule qu’il attend pour la Belgique un appui efficace. Ces contradictions, qui le désolent, doivent être cachées avec soin. Si Palmerston soupçonnait ce qui le rassure, il répéterait ses accusations ordinaires : « Vous autres Belges, vous êtes trop Français ! vous vous jetez dans les bras de la France ! » Et alors ce seraient de bien autres difficultés. Il faudra donc ménager Londres sans se priver du secours de Paris ; mais au roi Léopold on peut tout dire. C’est dans ce sentiment qu’il lui écrit le 15 :


« Il m’arrive bien des lettres où l’on m’exprime la crainte que, la Belgique une fois évacuée par les Français, et la Hollande dirigeant contre elle une seconde attaque, la conférence n’empêche la France de se porter encore à notre secours. Je ne partage pas ces craintes et voici ma raison : c’est que la France, dans la situation où elle est, sera forcée, absolument forcée, quoi que puisse dire la conférence, de secourir la Belgique aussi rapidement que la première fois. La politique belge en ce moment doit donc incliner plutôt vers la France, les circonstances l’exigent impérieusement.

« Si les Hollandais attaquent, les Belges se défendront de leur mieux, mais en dépit de toutes les conférences du monde, il faudra aussi que, sans perdre un instant, ils demandent secours aux Français pour la seconde fois, un secours immédiat, un secours dans le plus bref délai possible. Le gouvernement belge aura donc besoin d’une grande vigilance, il devra entretenir des espions pour être informé sans retard des mouvemens militaires des Hollandais et en transmettre aussitôt la nouvelle à Paris. Cependant, tout convaincu que je suis que dans le cas d’une nouvelle attaque de la part des Hollandais la France nous