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russe emprunte une grande partie de sa force aux chemins de fer, qui lui fourniraient promptement les munitions, les renforts et les approvisionnemens accumulés d’avance dans les citadelles. La sécurité du territoire lui donne la liberté de ses mouvemens en mer, et la défense de ses arsenaux est garantie par la réception en temps utile de secours de toute espèce. Organisée comme elle est, principalement pour la garde des frontières maritimes, la marine russe trouve dans l’armement général du territoire un précieux auxiliaire.


II

Après la guerre d’Orient, la Russie était sans marine. Ses vaisseaux avaient été coulés par ses propres mains ou incendiés à la fin du siège. L’Europe en était encore aux vaisseaux-mixtes à vapeur ; mais ils avaient fait leur temps. L’insuffisance de ces vaisseaux devant les murs de Sébastopol, la nullité de la parade à Cronstadt, dont ils n’avaient pu affronter les fortifications, avaient été prouvées : le système était évidemment condamné. D’un autre côté, on tenait grand compte du succès des batteries flottantes cuirassées contre la forteresse de Kinburn, si promptement réduite. Ces batteries avaient pu naviguer à la remorque, à travers la Méditerranée et jusqu’au fond de la Mer-Noire. La principale objection qu’elles avaient soulevée, et qui portait sur leur innavigabilité, comme disent les marins, se trouvait écartée. Le prochain avenir de la marine était là ; conserver aux grands bâtimens de mer leurs qualités nautiques tout en leur imposant le poids d’une cuirasse, tel était le problème à résoudre. L’attente était donc imposée surtout à la Russie ; elle avait à panser ses blessures, à régénérer sa force militaire, à construire ses chemins de fer, à reconstruire ses forteresses anciennes, à en ériger de nouvelles. C’était assez d’occupation pour le moment. « La Russie se recueille, » disait un des hommes d’état de ce pays. De ses méditations allait surgir un empire rajeuni, reconstitué et plus puissant.

En fait de marine, le gouvernement se borna d’abord à la construction d’un certain nombre de chaloupes canonnières bonnes à protéger dans les eaux basses les transports et les débarquemens de troupes. En 1862, l’escadre de la Baltique comprenait surtout, en fait de navires utiles, des embarcations de cette espèce ; mais dans l’intervalle l’idée de cuirasser les bâtimens de guerre avait fait son chemin. L’impulsion était donnée, toutes les marines y obéissaient ; la Russie ne pouvait y résister seule. Elle avait envoyé aux États-Unis une commission d’officiers ; le ministère se dirigea d’après l’avis de cette commission. Comme il importait avant tout de défendre les côtes de l’empire et les villes