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matelots. Seulement la Russie ferait bien de recourir à un système quelconque de recrutement équivalant à l’inscription maritime. Sa marine marchande et sa navigation fluviale seules lui en fourniraient les moyens. Son commerce intérieur par les routes d’eau prend une extension chaque jour plus grande. Chaque année, en moyenne, près de 11,000 navires sont lancés sur ses lacs et sur ses fleuves. La Caspienne notamment rayonne dans une grande partie de l’empire où le commerce est très actif. Aussi dans le système des eaux qui y viennent aboutir, les constructions navales sont-elles très multipliées. La navigation à vapeur acquiert en Russie une importance inattendue. Autrefois un service de bateaux à vapeur était établi sur le Volga ; les départs étaient rares et assez irréguliers, la navigation d’une lenteur désespérante. Nous avons sous les yeux le récit d’une de ces excursions. Presque chaque jour le bateau faisait escale pour renouveler sa provision de bois. La machine, mal chauffée par ce combustible, donnait au navire des allures de coche d’eau. L’arrêt quotidien nécessaire pour l’alimentation du foyer, était au moins motivé. Prévu par les voyageurs, il était accepté avec résignation ; mais la patience des passagers était mise à une plus rude épreuve par l’échouage du bateau, qui s’engravait à chaque instant dans les nombreux bancs de sable, surgissant à fleur d’eau. L’équipage consacrait chaque fois plusieurs heures à le dégager, et, si l’accident arrivait la nuit, il fallait attendre au lendemain pour se remettre en route. Quinze jours n’étaient pas un trop long espace de temps pour traverser une distance qu’un chemin de fer franchirait aujourd’hui en quelques heures. Il semblait que le temps ne fît rien à l’affaire, tant il y avait de calme et de tranquillité dans l’attitude des commerçans russes embarqués avec leurs marchandises. La construction des chemins de fer a bien changé la physionomie de cette navigation. Les communications par terre, loin de nuire, aux transports par eau, leur ont imprimé une activité inconnue. En pareil cas, il ne faut jamais redouter la concurrence. Les voies de transit ne se nuisent pas entre elles, à moins de circonstances tout à fait extraordinaires ; elles multiplient les voyages et les transports. Le jour où la France approfondira la Seine, la navigation entre Paris et Le Havre, loin de nuire au chemin de fer, en augmentera le mouvement et les bénéfices.

Les premiers bateaux à vapeur construits en Russie furent destinés à la navigation du Volga et de la Neva. Trente-sept ans s’écoulèrent avant l’exploitation des autres fleuves. Les premiers essais n’étaient certes pas encourageans. On en a pu juger par la description précédente. Mais en 1850, des navires à vapeur commencèrent à sillonner tous les grands cours d’eau. En 1852, les