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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/711

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mémorandum des combinaisons nouvelles que les trois cours du nord proposent aux autres puissances de l’Europe de porter en commun à Constantinople. Ce serait le programme de la politique européenne dans une nouvelle phase des affaires orientales. Or c’est ici que la question se complique au premier pas. L’Angleterre refuse d’adhérer à ces propositions de Berlin qui lui ont été communiquées : elle ne les combat pas ouvertement, elle ne veut ni les sanctionner ni les appuyer à Constantinople, M. Disraeli et lord Derby l’ont déjà déclaré en plein parlement ; elle laisse aux empires du nord la responsabilité de leur programme, tout en paraissant songer à surveiller les événemens s’il le faut, de sorte qu’avant de partir on est arrêté. On est entre la nécessité de faire quelque chose, de ne pas laisser se prolonger une situation criante, toujours menaçante, et le danger d’une action partielle ou divisée, dont les Turcs pourraient profiter pour ne rien faire, qui peut en même temps ouvrir la carrière à un redoutable imprévu. En restera-t-on là ?

Les puissances du nord voudront-elles agir sans l’Angleterre, au risque d’être contrariées par cette dissidence même ou de se voir peut-être entraînées par les complications qui en résulteraient au-delà des limites qu’elles se sont tracées ? N’a-t-on pas déjà commencé à renouer les fils de ces négociations embrouillées, de façon à rétablir la solidarité d’action avec le cabinet anglais ? C’est là justement la question dans ce qu’elle a de sérieux, de délicat et de compliqué, telle qu’elle se dégage des déclarations de lord Derby et de M. Disraeli devant le parlement, des explications du comte Andrassy devant les délégations autrichiennes, et de quelques paroles prononcées hier par M. le duc Decazes, à Versailles, dans notre chambre des députés. M. le duc Decazes a saisi en effet l’occasion d’une interpellation banale sur les finances égyptiennes, pour élargir un peu le cadre de la question, comme il l’a dit, pour définir l’attitude de notre pays, et, sans dissimuler « les orages qui peuvent se former sur des horizons lointains, » il a revendiqué pour la France un rôle de médiation, de conciliation dans cette mêlée d’intérêts et de politiques dont les affaires d’Orient sont le prétexte.

Non sans doute, il ne faut rien exagérer et il ne faut pas non plus fermer les yeux. D’une manière générale, cette question d’Orient qui recommence ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier. L’Europe l’a plus d’une fois rencontrée sur son chemin depuis un demi-siècle, elle l’a traitée par la diplomatie et même par les armes ; la dernière fois qu’elle l’a réglée, autant qu’une question semblable puisse être réglée, c’est après la guerre de Crimée, en 1856, par le traité de Paris, qui existe encore, qui faisait entrer l’empire ottoman dans le concert des puissances européennes en sanctionnant le principe de son intégrité et de son