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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/751

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des teinturiers de Rouen l’eussent sollicitée. Le gouvernement, de qui il dépend d’accorder les importations temporaires, s’est mal à propos fait une règle d’en être sobre à l’excès, même sous le second empire, après le traité de commerce. En fait d’articles en coton, il ne s’y est prêté que pour les toiles blanches ou écrues destinées à être converties en impressions ou indiennes ; cette mesure inoffensive donna lieu pourtant à des réclamations violentes des autres branches de l’industrie cotonnière. Et le gouvernement impérial, vers la fin de son existence, eut la simplicité de prendre au sérieux ces emportemens sans prétexte, au point de supprimer ce genre d’importation temporaire.

La plupart des objets et ouvrages en métal, fer, fonte, cuivre et bronze, étaient, avant les traités de commerce, prohibés, et le reste chargé de droits très lourds. Après les traités, la prohibition ayant disparu et les droits plus ou moins prohibitifs ayant été allégés, il en est entré chez nous une certaine quantité. Nos fabriques d’outils, de machines et autres ouvrages en métal ont-elles chômé pour cela ? Pas du tout ; elles ont beaucoup plus travaillé. Notre exportation en articles de ce genre est devenue très remarquable[1]. Au sujet de cette exportation d’objets en fer, nous devons réitérer la critique qui précède, sur la manière dont on a réglé l’importation temporaire. Elle eût fait des progrès plus grands encore qui, réagissant sur les prix, auraient exercé une heureuse influence sur le placement à l’intérieur, sans les mesures réactionnaires auxquelles se sont laissé entraîner divers ministères à la fin de l’empire.

L’importation temporaire avait permis à des constructeurs intelligens de développer beaucoup la fabrication pour l’étranger d’outils, machines et appareils tels que les ponts en fer. C’était une belle perspective pour nos ateliers de construction, et nos maîtres de forges n’avaient pas à s’en plaindre, puisque les métaux importés étaient réexportés, après transformation, en poids égal[2]. Malheureusement en 1868 un décret modifia, dans un sens défavorable à la liberté, les clauses qui réglaient l’importation temporaire des métaux, et en janvier 1870 un autre décret aggrava ces rigueurs

  1. En 1860, l’exportation de la France (commerce spécial) en machines et mécaniques avait été de 7,872 tonnes valant 8,300,000 fr. En 1874, elle a été de 18,916 tonnes valant 26 millions. Il est même curieux que notre exportation en fers (fonte, fer en barres et aciers) se soit développée depuis le traité de commerce. En 1860, elle était de 6,236 tonnes ; en 1874, elle a été de 85,478. En 1872, elle s’était élevée à 156,000.
  2. Il est à remarquer que les outils, machines et ouvrages exportés devant avoir le poids des métaux bruts importés, le constructeur français qui pratiquait l’importation temporaire avait la charge de payer le droit sur le déchet, s’il tirait toutes ses matières de l’étranger, ou d’acheter un complément en matières françaises. Ainsi l’importation temporaire des fers ouvrait dans beaucoup de cas un certain débouché à nos forges.