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compagnie de douze membres. Il comprenait : sir Hugh Willoughby, Richard Chancelor, George Burton, — le premier marchand, Richard Stafford, — le ministre, — un autre marchand, Thomas Langlie, — un simple gentleman, James Delabare, — les trois maîtres, William Gefferson, Stephen Burrough, Cornélius Durforth, — les trois seconds, Roger Wilson, John Buckland, Richard Ingram. Il fut arrêté que, si quelque séparation avait lieu, chaque vaisseau ferait tous ses efforts pour gagner Varduus, port et château que la carte indiquait comme une dépendance du royaume de Norvège. Le 30 juillet, vers midi, l’escadre reprit la mer et, faisant route le long des îles, au nord-nord-est, elle ne cessa pas un instant de tenir la terre en vue. Une clarté presque perpétuelle favorisait d’ailleurs sa manœuvre. Exposée à tous les accidens qui sont le lot de semblables voyages, elle y échappa heureusement et put arriver sans encombre, le 2 août, par 69° 35’ de latitude, à 30 lieues environ de Steens Fiord. Willoughby crut devoir serrer alors de plus près la côte. Un esquif se détacha de terre et vint à sa rencontre. Willoughby trouvait encore là des sujets du roi de Danemark. L’île en vue se nommait Senien[1] ; elle n’offrait d’autres marchandises que du poisson séché et de l’huile de poisson. Que pouvait-on attendre de plus sous ces latitudes ? Ce n’étaient pas d’ailleurs des objets d’échange que Willoughby voulait se procurer ; c’était un pilote qui le conduisit au Finmark. Il le demandait avec instance. Des pilotes en état de conduire un navire au mouillage de Varduus n’étaient pas chose rare dans l’île de Senien ; mais, pour obtenir ce secours, il ne suffisait pas de l’attendre au large, il fallait venir le chercher dans un port. L’île manquait-elle donc de bassins où l’on pût jeter l’ancre ? L’escadre avait précisément sous la main un de ces fiords dont les murailles abruptes semblent avoir été tranchées d’un coup de hache dans le vieux granit Scandinave. Willoughby fit passer sa chaloupe en avant, et les trois navires se disposèrent à la suivre. On se trouva bientôt engagé entre deux montagnes d’une grande hauteur. Il en descendait à chaque instant de si violentes rafales, de tels tourbillons de vent, que l’escadre, après avoir inutilement tourmenté ses voiles, pris d’un bord sur l’autre, risqué plus d’une fois d’aller se heurter à la côte, dut enfin céder à la brise qui la rejetait au large, Willoughby cria de sa voix la plus forte à Chancelor de ne pas s’éloigner, de n’abandonner la Speranza sous aucun prétexte. Comment Chancelor eût-il pu obtempérer à cet ordre ? La marche de la Speranza était très supérieure à- celle de y Edouard-Bonaventure, et Willoughby ne. prenait aucunes dispositions pour ralentir sa fuite. Toujours couvert de voiles, il fut bientôt hors de vue. La Confidentia ne

  1. Le phare de Hekkingen, au nord de l’Ile Senien, est situé par 69° 36’ de latitude nord, 15° 29’ de longitude est.