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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/899

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salaire. La liberté du commerce extérieur, il y a peu d’années si contestée encore, devait surtout trouver en lui, dans ses études sur MM. Richard Cobden et Michel Chevalier, qui en furent, tant en Angleterre qu’en France, les promoteurs les plus illustres, un partisan très décidé. Lorsqu’il examine nos principales industries, il en prend occasion pour revendiquer ce grand principe ; mais ce n’est plus alors une défense théorique, il serre de plus près la pratique ; il rassure, au commencement de son enquête, sur l’application de la liberté commerciale des industries qu’il juge à tort effrayées, et, dans la suite du même travail, il montre les heureux effets de cette liberté, devenue un fait en grande partie depuis les traités de commerce. On y voit comment l’industrie française a renouvelé son outillage et ses procédés, développé son exportation et profité elle-même de cette grande expérience favorable à la consommation.

Il me reste à indiquer à quelle série d’enquêtes antérieures également entreprises au nom de l’Académie des Sciences morales se relie le travail si considérable de M. Louis Reybaud. Il est à remarquer que ce genre de statistique morale et industrielle est en grande partie une création de notre temps. Tout au plus on en rencontre les premiers modèles, encore imparfaits économiquement et presque nuls quant à l’étude des mœurs, dans les écrits de Vauban, de Boisguilbert, de Lavoisier, etc. Dès que les sciences économiques eurent au sein de l’Institut une représentation à part, elles durent songer à développer cette espèce de recherches sur les forces productives du pays et sur ses populations laborieuses. C’est ce que fit l’Académie des Sciences morales à l’aide de missions qui devaient se continuer sans interruption et qui ont laissé des traces. Le premier en date, le travail du docteur Villermé, a presque fait époque en ce genre : ne soyons pas ingrat envers cet observateur d’un esprit pénétrant, qui le premier, avec l’autorité de son caractère et de ses études, appela l’attention sur les maladies que développent des ateliers malsains. La presse, avertie, créa une sorte d’agitation salutaire : les manufacturiers eurent à compter avec l’opinion, et la preuve que le mal n’était pas irrémédiable, comme quelques-uns ne manquaient pas de le prétendre, c’est qu’on y a obvié fréquemment. Vint ensuite l’enquête poursuivie trop peu d’années par un autre économiste qui y porta des qualités toutes différentes. Blanqui aîné (que l’on persiste à nommer ainsi pour le distinguer de son frère le démagogue) mérite sa part d’éloges dans cette œuvre, qui ne devait pas se traduire seulement par de savans mémoires, mais exercer sur les faits une action positive. Personne plus que Blanqui n’a réclamé avec ardeur la réforme des logemens insalubres, en particulier des caves de Lille et des greniers de Rouen, dont il faisait des descriptions émouvantes.