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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/898

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travaux qui se matérialisent dans des objets extérieurs, mais il tient pour éminemment valables les services de direction, lesquels n’ont rien que d’intellectuel. C’est même un de ses argumens contre les ouvriers qui trouveraient bon qu’un travail purement manuel eût un droit égal ou même exclusif. En fait, sinon en principe, il ne cesse de traiter le monde économique comme une vaste association où s’échangent, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, des services rémunérés.

Au reste, cela est clair à la manière dont M. Louis Reybaud apprécie quelques-uns des principaux économistes, il aime à se tenir ferme dans la voie de ses maîtres, notamment de Jean-Baptiste Say. Ce titre de maître, il paraît peu disposé à le donner à Malthus pour son système de la population, qu’il apprécie en quelques pages d’une pressante éloquence. Aussi ne le voit-on pas, et je signale ce point comme essentiel, attribuer dans son enquête la misère à l’excès de population. C’était là ce qu’un pur malthusien n’aurait guère manqué de faire. Il faut reconnaître, avec l’auteur, que le péril de ce prétendu excès semble nous menacer fort peu. Les plus légitimes inquiétudes se portent au contraire pour la France sur le ralentissement extrême dans l’augmentation du nombre des hommes. Dans son étude sur les travaux de John Stuart Mill, M. Louis Reybaud rencontre encore un autre point qui se présente sous ses aspects pratiques dans l’enquête. L’association ouvrière est l’objet chez l’économiste anglais d’une apologie peu mesurée. Son critique réfute sur ce point des idées trop incomplètes, et qui tiennent trop peu compte de données essentielles du problème. Il signale d’autres erreurs chez M. Mill, esprit éminent, mais paradoxal, et guide souvent peu sûr. En reconnaissant la solidité des objections de M. Reybaud sur l’association, peut-être pourrait-on trouver quelque excès de défiance un peu trop voisin de la négation. C’est avec la même connaissance de cause que, dans le même livre, il discute des questions pratiques, comme celles de l’étalon monétaire, d’une taxe sur le revenu, de la réduction de l’armée. Je n’ai pas à m’y arrêter, n’ayant en vue que les points de doctrine qui offrent un lien avec ses recherches sur l’industrie. Rien n’est plus important sous ce rapport que la fermeté avec laquelle il défend le principe du libre travail, la concurrence, repoussant les restrictions réglementaires, lesquelles, proposées tantôt par les partisans du passé, tantôt par les novateurs, n’en ont pas moins pour conséquence dans les deux cas de produire l’atonie, et cette habitude de s’adresser à l’état comme à une providence. Cette habitude funeste, M. Reybaud a l’occasion d’y signaler plus d’une fois une sorte de parasitisme qui gagne toutes les classes, depuis l’entrepreneur qui réclame un droit au profit, jusqu’à l’ouvrier qui demande le droit au travail et au