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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/956

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sances ont prêté sans difficulté leur concours pour la mission des consuls en Herzégovine l’an dernier, puis pour la note du comte Andrassy. Au moment où le mémorandum de Berlin s’est produit, il y a quelques semaines, l’Angleterre s’est arrêtée brusquement, la révolution turque est arrivée » et l’alliance du nord, visiblement prise au dépourvu par les événemens, a essuyé sa première déception ; elle s’est trouvée à demi compromise dans une fausse démarche, obligée de s’arrêter a son tour et n’ayant plus dans ses mains qu’un mémorandum devenu aussi embarrassant qu’inutile.

Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’aujourd’hui on accuse, non sans un certain dépit, l’Angleterre, lord Derby, M. Disraeli, d’avoir mis l’Europe dans l’embarras pour une vaine susceptibilité d’orgueil ministériel ou d’orgueil national. C’est l’Angleterre qui a fait tout le mal, qui a favorisé peut-être la révolution, de Constantinople, qui a paralysé l’action de la. diplomatie. C’est l’Angleterre qui a été le trouble-fête en refusant son adhésion au mémorandum de Berlin, en sortant du concert européen et en offrant ainsi au gouvernement turc un moyen de se dérober à la pression qu’on se disposait à exercer sur lui !

Soit, l’Angleterre redevient la grande insulaire égoïste qui se venge de ses mécomptes de ces dernières années en contrariant la politique continentale par une retraite, par une scission qui empêche tout ! On oublie seulement un peu vite que l’Angleterre n’a point eu à sortir du concert européen, par la raison bien évidente qu’elle n’y était point entrée ; elle n’y avait point été conviée non plus que d’autres, ou du moins elle n’avait été appelée que lorsqu’on s’était déjà entendu à trois. Elle n’a point manqué à des engagemens qu’elle n’avait pas pris et elle n’a même pas repoussé entièrement ce mémorandum de Berlin qui lui a été présenté ; elle n’a opposé aucun veto, elle s’est bornée simplement à refuser de sanctionner une œuvre à laquelle elle n’avait point participé, et elle n’a point caché les raisons sérieuses de sa décision : c’est que quelques-unes de ces propositions de Berlin lui ont paru dépasser le but ou être peu praticables. Elle y a vu un commencement ou une menace d’intervention, une atteinte plus ou moins directe à l’intégrité de l’Orient, une reconnaissance officielle du caractère belligérant des insurrections qui tendait à déplacer la question. Elle est restée sur son terrain, retenue et fixée par une politique qui n’a rien de nouveau, qui s’explique par tant de considérations puissantes que tout cabinet britannique hésitera sûrement à l’abandonner. Elle n’a fait qu’user de son indépendance au risque de laisser une place vide dans le « concert » en refusant l’invitation. Après cela, que l’Angleterre ait saisi l’occasion de sortir de l’effacement où sa politique extérieure traîne depuis nombre d’années, qu’elle ait voulu montrer par un coup d’éclat qu’elle compte encore dans les affaires, qu’on ne peut pas aisément se passer d’elle, et que M. Disraeli n’ait pas résisté au plaisir un peu superbe de constater