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tions chrétiennes de la Turquie, de ces populations dont on s’occupait déjà il y a vingt ans au congrès de Paris ? Ce n’est point une question nouvelle, elle n’est que ravivée par l’insurrection de l’Herzégovine et de la Bosnie. Depuis vingt ans, il y a toute une tradition de conférences et de négociations relatives aux principautés semi-indépendantes et aux populations soumises à la domination ottomane. Plus que jamais certainement tous les cabinets reconnaissent la nécessité d’améliorer la situation des chrétiens d’Orient, de leur assurer des conditions plus équitables et des garanties qu’ils n’ont pas elles jusqu’ici. Maintenir l’empire ottoman dans son intégrité sans se refuser le droit d’exiger de lui des réformes nécessaires, et réclamer pour les chrétiens toutes les améliorations qui ne seront pas un démembrement de la Turquie, ce sont là deux points essentiels sur lesquels on est d’accord. Comment se fait-il donc qu’au moment où une action sérieuse fondée sur ces deux points a paru tout près de s’engager, l’Angleterre ait cru devoir se séparer des autres puissances, et que cette scission, coïncidant avec la révolution de Constantinople, ait déterminé la crise intime que traverse l’Europe ?

On n’y a pas réfléchi : c’est peut-être uniquement la faute de la manière dont on a procédé depuis quelques années, surtout depuis un an. Nous pouvons en parler à l’aise en France, parce que cela ne nous cause aucun ombrage, parce que notre pays est dans une situation particulière où la réserve est une obligation et où l’impartialité est facile. Il n’est pas moins certain que cette alliance du nord qu’on a prétendu former, a toujours été depuis le premier moment une combinaison aussi artificielle qu’extraordinaire. Des alliances de ce genre se font apparemment pour quelque chose. La sainte-alliance qui a existé autrefois avait une double raison d’être, la garantie de l’état territorial créé par les traités de 1815 et la défense commune du principe conservateur des gouvernemens. L’alliance plus restreinte du nord qui a existé après 1830 s’expliquait encore : elle était une sorte d’assurance mutuelle contre la France et contre la révolution. Elle a dit son dernier mot par l’intervention russe en Hongrie dans l’année 1849 ; avec la guerre de Crimée, elle a disparu. Quelle est la raison d’être de cette alliance du nord reconstituée après plus de vingt ans et dans des conditions si prodigieusement transformées ? Entre les trois empires, il n’y a plus ni un système territorial à garantir ni la révolution à combattre, et il y a trop d’intérêts différens, presque contradictoires, pour qu’une action commune puisse aller bien loin. On a voulu se servir de cette alliance pour prendre la direction des affaires d’Orient, et l’on n’a pas remarqué ce qu’il y avait d’exorbitant, de périlleux dans cette prétention de commencer par délibérer à trois sur une question d’intérêt universel. C’était avoir l’air de réduire le reste de l’Europe à une sorte de rôle secondaire. Le danger n’est point apparu tout d’abord parce que les autres puis-